int-Loup etait victime a l'egard de Rachel et qui avait mis un
abime entre les images que nous avions de sa maitresse, lui et moi,
quand nous la voyions ce matin meme sous les poiriers en fleurs. Rachel
jouait un role presque de simple figurante, dans la petite piece. Mais
vue ainsi, c'etait une autre femme. Rachel avait un de ces visages que
l'eloignement--et pas necessairement celui de la salle a la scene, le
monde n'etant pour cela qu'un plus grand theatre--dessine et qui, vus de
pres, retombent en poussiere. Place a cote d'elle, on ne voyait qu'une
nebuleuse, une voie lactee de taches de rousseur, de tout petits
boutons, rien d'autre. A une distance convenable, tout cela cessait
d'etre visible et, des joues effacees, resorbees, se levait, comme un
croissant de lune, un nez si fin, si pur, qu'on aurait souhaite etre
l'objet de l'attention de Rachel, la revoir autant qu'on voudrait, la
posseder aupres de soi, si jamais on ne l'avait vue autrement et de
pres. Ce n'etait pas mon cas, mais c'etait celui de Saint-Loup quand il
l'avait vue jouer la premiere fois. Alors, il s'etait demande comment
l'approcher, comment la connaitre, en lui s'etait ouvert tout un domaine
merveilleux--celui ou elle vivait--d'ou emanaient des radiations
delicieuses, mais ou il ne pourrait penetrer. Il sortit du theatre se
disant qu'il serait fou de lui ecrire, qu'elle ne lui repondrait pas,
tout pret a donner sa fortune et son nom pour la creature qui vivait en
lui dans un monde tellement superieur a ces realites trop connues, un
monde embelli par le desir et le reve, quand du theatre, vieille petite
construction qui avait elle-meme l'air d'un decor, il vit, a la sortie
des artistes, par une porte deboucher la troupe gaie et gentiment
chapeautee des artistes qui avaient joue. Des jeunes gens qui les
connaissaient etaient la a les attendre. Le nombre des pions humains
etant moins nombreux que celui des combinaisons qu'ils peuvent former,
dans une salle ou font defaut toutes les personnes qu'on pouvait
connaitre, il s'en trouve une qu'on ne croyait jamais avoir l'occasion
de revoir et qui vient si a point que le hasard semble providentiel,
auquel pourtant quelque autre hasard se fut sans doute substitue si nous
avions ete non dans ce lieu mais dans un different ou seraient nes
d'autres desirs et ou se serait rencontree quelque autre vieille
connaissance pour les seconder. Les portes d'or du monde des reves
s'etaient refermees sur Rachel avant que S
|