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fants et le roulement des tonneaux d'un lointain tonnelier, je travaillais avec energie pour echapper a une sentimentalite aigue que l'eloignement avait fortifiee. Mais forcant ma resistance, dans mon cerveau lasse, sans treve defilait a nouveau la suite des combinaisons par lesquelles je cherchais encore a satisfaire mon sentiment contrarie. Soudain, vaincu par l'obstination de cette recherche aussi inutile que douloureuse, je m'abandonnai a mon decouragement; je le considerai en face. Ces reves romanesques de bonheur, auxquels il me fallait renoncer, m'interessaient infiniment plus que les idees de devoir (le devoir, n'etait-ce pas, alors comme toujours, d'etre orgueilleux?) ou j'essayais de me consoler. Sans doute, me disais-je, j'ai deja connu ces exagerations; je sais que dans soixante jours, ces chagrins demesures me deviendront incomprehensibles, mais c'est du bonheur, tout un renouveau de moi-meme, une jeunesse de chaque matin qui m'auront echappe. La vie continuera, apaisee (mais si decoloree!), jusqu'a un nouvel accident, jusqu'a ce que je souffre encore devant une felicite, que je ne saurai pas acquerir: 1 deg. parce que la felicite en realite n'existe pas; 2 deg. parce que si elle existait, cela m'humilierait de la devoir a un autre. Puis des jours ternes reprendront, coupes de secousses plus rares, pour arriver a l'age des regrets sans objet... Telle etait la seule vision que je pusse me former du monde. Elle m'etait fort desagreable. J'ai vu un boa mourir de faim enroule autour d'une cloche de verre qui abritait un agneau. Moi aussi, j'ai enroule ma vie autour d'un reve intangible. N'attendant rien de bon du lendemain, j'accueillis un projet sinistre: desespere de partir inassouvi, mais envisageant qu'alors je ne saurais plus mon inassouvissement. Je contemplais dans une glace mon visage defait; j'etais curieux et effraye de moi-meme. Combien je me blamais! Je ne doutais pas un instant que je ne guerisse, mais j'etais affole de diner et de veiller dans cette ville ou rien ne m'aimait, de m'endormir (avec quelle peine!) et puis de me reveiller, au matin d'une pale journee, avec l'atroce souvenir debout sur mon cerveau. Quel sacrifice je fis a une chere affection, en me resignant a accepter ces quinze jours d'enervement tres penible! Je me repetai la parole de Benjamin Constant: "Patience! nous arriverons peut-etre (a ne plus desirer, a etre d'ame morne), et puis nous mourrons surement; ce sera alors to
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