mari. C'est un grand defaut d'etre le mari d'une femme!
A son tour, milady, toujours tres-emue, m'appela pour me parler a
l'ecart.
--Nous vous devons plus que la vie, me dit-elle d'un air exalte. La vie
n'est rien; mais, dans ces histoires de brigands, les femmes peuvent
etre exposees a des insultes. Si les choses en fussent venues la, je
suis sure, j'aime a croire que lord B*** se fut fait tuer pour nous
donner le temps de fuir; mais une seule parole malhonnete est un fer
rouge pour des femmes de notre rang, de notre caractere et de notre
nation. Je vous dirai donc, comme lord B***, et plus chaleureusement,
que vous avez notre amitie, et que nous vous demandons la votre.
Nous nous connaissons, d'ailleurs, par votre ami monsieur... Comment
l'appelez-vous?
Je trouvai fort plaisant que l'on me demandat le nom de l'homme qui
me servait de caution, et je me hatai de dire que Brumieres ne me
connaissait guere plus que lady Harriet elle-meme.
--C'est egal, reprit-elle sans se deconcerter, il nous a dit que vous
etiez peintre comme lui, et que vous aviez beaucoup de talent.
--Il n'en sait rien, milady; il n'a pas vu de moi la moindre chose.
--Oh! c'est egal! Il dit que vous parlez si bien de l'art! et il en
parle si bien lui-meme! Il a tant d'esprit, et il est de si bonne
compagnie! C'est un jeune homme charmant! et il dit que vous etes
charmant aussi!
--Ce qui est bien la preuve, repondis-je en toute humilite, que nous
sommes charmants tous les deux! Mais permettez, milady, vous etes
bienveillante, et votre gratitude pour moi fait honneur a la generosite
de votre ame. Pourtant, je ne dois pas...
Milady m'interrompit en s'ecriant:
--Ah! monsieur, je vois, a votre discretion et a votre fierte, que ma
confiance est bien placee, et que je n'aurai jamais a m'en repentir.
Vous n'etes pas riche, je le sais, et vous allez, en quelques jours,
depenser a Rome, ou l'on est affreusement vole, tout ce qui pourrait
vous en rendre le sejour possible. Nous, nous avons plus de fortune que
nous n'en pouvons depenser; et, d'ailleurs, nous ne louons pas, on nous
prete cet hotel, dont nous n'occupons pas la moitie. Vous pouvez donc
etre libre et seul dans tout un etage, qui ne communique meme pas avec
le notre, si l'on veut faire vie a part. Vous n'accepterez notre table
et notre societe qu'autant qu'il vous plaira, pas du tout si nous vous
ennuyons. Mais, pour ne pas nous causer un chagrin reel, vous serez sous
notre toit, et
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