que renfermait ce joli meuble de salon,
laque noir et blanc, si bien scelle.
Le culte rendu par Mme Ancelin a la litterature officielle, avait deux
temples: l'Academie francaise, la Comedie-Francaise; mais le premier
n'etant qu'irregulierement ouvert a la ferveur des fideles, elle se
rabattait sur l'autre dont elle suivait ponctuellement les offices, ne
manquant jamais une "premiere", grande ou petite, ni les mardis de
l'abonnement. Et ne lisant que les livres a l'estampille de l'Academie,
les artistes de la Comedie etaient les seuls qu'elle ecoutat fervemment,
avec des expressions attendries ou frenetiques qui eclataient des le
controle et les deux grands benitiers de marbre blanc que l'imagination
de la bonne dame avait dresses a l'entree de la maison de Moliere,
devant les statues de Rachel et de Talma.
"Est-ce tenu!... Quels huissiers!... Quel theatre!..."
Ses petits bras ecartes en gestes courts, son souffle haletant de grosse
dame, remplissaient le couloir d'une expansive joie turbulente qui
faisait courir dans toutes les loges: "Voila Mme Ancelin." Aux mardis
surtout, l'indifference de la salle tres mondaine contrastait avec
l'avant-scene ou roucoulait, se pamait, le corps hors la loge, ce bon
gros pigeon aux yeux roses, ramageant tout haut; "Oh! ce Coquelin...
Oh! ce Delaunay!... quelle jeunesse!... quel theatre!..." ne souffrant
pas qu'on parlat d'autre chose, et, aux entr'actes, accueillant les
visites par des cris d'admiration sur le genie de l'auteur academicien,
les graces de l'actrice societaire.
A l'entree de Paul Astier, le rideau etait leve, et connaissant les
rites du culte, l'absolue defense de parler alors, de saluer, de remuer
un fauteuil, il attendit immobile dans le petit salon separe par une
marche de l'avant-scene ou Mme Ancelin s'extasiait entre Mme Astier et
Mme Eviza, Danjou et de Freydet assis derriere elle avec des tetes de
captifs. A ce claquement si particulier des fermetures de loge et que
suivit un "Chut!" foudroyant pour l'intrus qui troublait l'office, la
mere a demi tournee tressaillit en voyant son Paul. Que se passait-il?
Qu'avait-il de si presse, de si grave a lui dire, pour venir jusque-la,
dans ce guepier d'ennui, lui qui ne s'ennuyait jamais qu'avec un but.
Sans doute encore l'argent, l'horrible argent. Heureusement elle en
aurait bientot; le mariage de Samy les ferait riches. Desireuse d'aller
a lui, de le rassurer d'une bonne nouvelle qu'il ignorait peut-etre,
elle d
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