affaissee comme un decrochement de machoire,
l'affreuse grimace de la peur. Neanmoins il se tenait et vint assez
vaillamment en garde.
"Allez, messieurs."
Oui, tout se paie. Il en eut l'intime sensation devant cette pointe
implacable qui le cherchait, le tatait a distance, semblait ne le
menager la ou la que pour le frapper plus surement. On voulait le tuer
... c'etait sur. Et tout en rompant, son grand bras maigre allonge, dans
le fracas des coquilles, un remords lui venait pour la premiere fois de
l'ignoble abandon de sa maitresse, de celle qui l'avait tire de la boue
et remis au monde, le sentiment aussi que la juste colere de cette femme
n'etait pas etrangere au danger pressant, enveloppant, qui tout autour
de lui semblait bouleverser l'atmosphere, faisait tourner et reculer
dans un eclairage de reve le ciel agrandi au-dessus de sa tete, les
silhouettes effarees des temoins, des medecins, jusqu'aux gestes eperdus
de deux garcons d'ecurie chassant a coups de casquette les chevaux
bondissants qui voulaient s'approcher et voir. Tout a coup, des voix
violentes, brutales: "Assez!... assez!... Arretez donc..." Que s'est-il
passe? le danger est loin, le ciel a repris son immobilite, les choses
leur couleur et leur place. Mais a ses pieds, sur le sol fourrage,
bouleverse, s'etale un large amas de sang qui noircit la terre jaune,
et, dedans, Paul Astier abattu, son cou nu perce de part en part, saigne
comme un porc. Dans le silence consterne de la catastrophe, la prairie
continue au loin son grele bruit d'insectes, et les chevaux qu'on ne
surveille plus, groupes a quelque distance, allongent leurs naseaux
curieusement vers ce corps immobile de vaincu.
Il avait pourtant bien le sens de l'epee, celui-la. Ses doigts,
solidement incrustes sur la garde, faisaient flamboyer, planer et fondre
a pic, siffler et s'allonger la lame; tandis que l'autre, en face de
lui, n'agitait qu'un begue et peureux tourne-broche. Comment cela
s'est-il donc fait? Ils diront, et, ce soir, les journaux repeteront
apres eux, et, demain, tout Paris avec les journaux, que Paul Astier a
glisse en se fendant, s'est enferre lui-meme, tout cela tres detaille,
tres precis; mais, dans les circonstances de la vie, est-ce que la
precision de nos paroles n'est pas toujours en raison inverse de nos
certitudes? Meme pour ceux qui regardaient, pour ceux qui se battaient,
quelque chose de confus, de voile, entourera toujours la minute
decisive, celle ou le dest
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