me les journaux de Paris, dans leur
correspondance etrangere, annoncaient le mariage de notre ambassadeur a
Petersbourg, mentionnant la presence du grand-duc, les toilettes de la
mariee, le nom de l'eveque polonais qui avait beni les deux epoux. Et
m'man pouvait se figurer si a Mousseaux le dejeuner s'etait ressenti de
cette nouvelle que chacun connaissait, que la maitresse du logis lisait
dans tous les yeux et dans l'affectation de ses invites a parler d'autre
chose. Silencieuse tout le repas, la pauvre duchesse, en sortant de
table et malgre l'horrible chaleur, avait eprouve le besoin de se
secouer et d'emmener tout son monde en trois voitures au chateau de la
Poissonniere ou naquit le poete Ronsard; six lieues de route au soleil,
dans la poussiere blanche et craquante, pour la joie d'entendre
l'affreux Laniboire, hisse sur un vieux socle effrite comme lui,
debiter: "Mignonne, allons voir si la rose..." Au retour, visite a
l'orphelinat agricole fonde par le vieux Padovani.--M'man devait
connaitre sans doute--inspection du dortoir, de la buanderie, des
instruments aratoires, des cahiers de classes: et ca empoisonnait, et il
faisait chaud, et Laniboire haranguait les jeunes agriculteurs a pauvres
tetes de forcats, leur affirmant que la vie etait excellente. Pour
finir, encore une halte extenuante a dos hauts-fourneaux pres d'Onzain,
une heure au chaud soleil declinant, dans la fumee et l'odeur du charbon
vomies par trois enormes tours briquelees, a buter sur des rails, a
eviter les vagonnets et les pelles chargees de fonte incandescente, en
blocs enormes gouttant du feu comme des quartiers de glace vermeille en
train de fondre. Pendant ce temps, la duchesse entrainee, infatigable,
ne regardait rien, n'ecoutait rien, marchant au bras de Bretigny le pere
avec qui elle semblait discuter violemment, aussi etrangere aux forges
et hauts-fourneaux qu'au poete Ronsard ou a l'orphelinat agricole...
Paul en etait la de sa lettre, s'appliquant surtout, pour diminuer les
regrets de sa mere, a une peinture ferocement ennuyeuse de la vie a
Mousseaux cette annee, quand un leger coup toqua sa porte. Il pensa au
jeune critique, au fils Bretigny, meme a Laniboire tres agite depuis
quelque temps, qui prolongeaient souvent la soiree dans sa chambre, la
plus vaste, la plus commode, annexee d'un coquet fumoir, et fut tres
etonne, ayant ouvert, de voir la longue galerie du premier etage, dans
l'irisement de ses vitraux, silencieuse et vide ju
|