oit clair et voudrait crier par cent
voix a la jeunesse francaise: "Ce n'est pas vrai... On vous trompe...
L'Academie, un leurre, un mirage!... Faites votre route et votre oeuvre,
en dehors d'elle... Surtout, ne lui sacrifiez rien, car elle n'a rien a
vous donner de ce que vous n'apporterez pas, ni le talent, ni la gloire,
ni le supreme contentement de soi... Ce n'est ni un recours, ni un
asile, l'Academie!... Idole creuse, religion qui ne console pas. Les
grandes miseres de la vie vous assaillent la comme ailleurs... On s'y
est tue, sous cette coupole; on y est devenu fou! Et ceux qui dans leur
detresse se sont tournes vers elle, qui lui ont tendu des bras
decourages d'aimer ou de maudire, n'y ont etreint qu'une ombre... et le
vide... le vide..."
Il parle tout haut, tete nue, tenant le parapet a deux mains, le vieux
professeur, comme autrefois, a son cours, au rebord de sa chaire. En
bas, le fleuve roule, nuance de nuit, entre ses files de reverberes,
qui clignotent avec cette vie silencieuse de la lumiere, inquietante
comme tout ce qui se meut, regarde, et ne s'exprime pas. Sur la berge un
chant d'ivrogne festonne en s'eloignant:
"_Quand Cupidon... le matin... che reveille..._"
Quelque Auvergnat en goguette regagnant son bateau a charbon. Cela lui
rappelle Teyssedre, le frotteur, et son verre de vin frais; il le voit
essuyant sa bouche d'un revers de manche: "Il n'y a que cha de bon dans
la vie!" Meme cette humble joie de nature, lui, ne l'a pas connue, il
est oblige de l'envier. Et se sentant seul, sans recours, sans une
epaule pour pleurer, il comprend que cette gueuse la-haut avait raison
et qu'il faut la faire une bonne fois, sa malle!...
* * * * *
Des sergents de ville trouverent, au matin, sur un banc du pont des
Arts, un chapeau a larges bords, un de ces chapeaux qui gardent un peu
de la physionomie de leur proprietaire. Dedans, une grosse montre en or,
une carte de visite au nom de "Leonard Astier-Rehu, secretaire
perpetuel de l'Academie francaise," sabree en travers, de cette ligne au
crayon: "Je meurs ici volontairement..." Oh! oui, bien volontairement!
Et mieux encore que sa petite phrase d'une longue et ferme ecriture,
l'expression de ses traits, les dents serrees, la machoire avancante et
violente disaient sa ferme resolution de mourir, quand, apres une
matinee de recherches, les mariniers le retirerent des larges maillons
d'un filet de fer entourant des bains de f
|