ques-uns du temps du roi Henri IV, mais comme malheureusement
il n'en restera plus bientot.
-- Peste, Monseigneur! m'avez-vous fait venir avec vous pour me
tirer mon horoscope?
-- Non, dit Mazarin en riant; je vous ai fait venir pour vous
demander si vous aviez remarque notre lieutenant de mousquetaires.
-- M. d'Artagnan?
-- Oui.
-- Je n'ai pas eu besoin de le remarquer, Monseigneur, il y a
longtemps que je le connais.
-- Quel homme est-ce, alors?
-- Eh mais, dit Guitaut, surpris de la demande, c'est un Gascon!
-- Oui, je sais cela; mais je voulais vous demander si c'etait un
homme en qui l'on put avoir confiance.
-- M. de Treville le tient en grande estime, et M. de Treville,
vous le savez, est des grands amis de la reine.
-- Je desirais savoir si c'etait un homme qui eut fait ses
preuves.
-- Si c'est comme brave soldat que vous l'entendez, je crois
pouvoir vous repondre que oui. Au siege de La Rochelle, au pas de
Suze, a Perpignan, j'ai entendu dire qu'il avait fait plus que son
devoir.
-- Mais, vous le savez, Guitaut, nous autres pauvres ministres,
nous avons souvent besoin encore d'autres hommes que d'hommes
braves. Nous avons besoin de gens adroits. M. d'Artagnan ne s'est-
il pas trouve mele du temps du cardinal dans quelque intrigue dont
le bruit public voudrait qu'il se fut tire fort habilement?
-- Monseigneur, sous ce rapport, dit Guitaut, qui vit bien que le
cardinal voulait le faire parler, je suis force de dire a Votre
Eminence que je ne sais que ce que le bruit public a pu lui
apprendre a elle-meme. Je ne me suis jamais mele d'intrigues pour
mon compte, et si j'ai parfois recu quelque confidence a propos
des intrigues des autres, comme le secret ne m'appartient pas,
Monseigneur trouvera bon que je le garde a ceux qui me l'ont
confie.
Mazarin secoua la tete.
-- Ah! dit-il, il y a, sur ma parole, des ministres bien heureux,
et qui savent tout ce qu'ils veulent savoir.
-- Monseigneur, reprit Guitaut, c'est que ceux-la ne pesent pas
tous les hommes dans la meme balance, et qu'ils savent s'adresser
aux gens de guerre pour la guerre et aux intrigants pour
l'intrigue. Adressez-vous a quelque intrigant de l'epoque dont
vous parlez, et vous en tirerez ce que vous voudrez, en payant,
bien entendu.
-- Eh, pardieu! reprit Mazarin en faisant une certaine grimace qui
lui echappait toujours lorsqu'on touchait avec lui la question
d'argent dans le sens que venait de le faire Guitau
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