rte. Pendant ce temps-la j'ai ouvert la
portiere, M. de Rochefort a saute a terre et s'est perdu dans la
foule. Malheureusement en ce moment-la une patrouille passait,
elle s'est reunie aux gardes et nous a charges. J'ai battu en
retraite du cote de la rue Tiquetonne, j'etais suivi de pres, je
me suis refugie dans la maison a cote de celle-ci; on l'a cernee,
fouillee, mais inutilement; j'avais trouve au cinquieme une
personne compatissante qui m'a fait cacher sous deux matelas. Je
suis reste dans ma cachette, ou a peu pres, jusqu'au jour, et,
pensant qu'au soir on allait peut-etre recommencer les
perquisitions, je me suis aventure sur les gouttieres, cherchant
une entree d'abord, puis ensuite une sortie dans une maison
quelconque, mais qui ne fut point gardee. Voila mon histoire, et
sur l'honneur, monsieur, je serais desespere qu'elle vous fut
desagreable.
-- Non pas, dit d'Artagnan, au contraire, et je suis, ma foi, bien
aise que Rochefort soit en liberte; mais sais-tu bien une chose:
c'est que si tu tombes dans les mains des gens du roi, tu seras
pendu sans misericorde?
-- Pardieu, si je le sais! dit Planchet; c'est bien ce qui me
tourmente meme, et voila pourquoi je suis si content de vous avoir
retrouve; car si vous voulez me cacher, personne ne le peut mieux
que vous.
-- Oui, dit d'Artagnan, je ne demande pas mieux, quoique je ne
risque ni plus ni moins que mon grade, s'il etait reconnu que j'ai
donne asile a un rebelle.
-- Ah! monsieur, vous savez bien que moi je risquerais ma vie pour
vous.
-- Tu pourrais meme ajouter que tu l'as risquee, Planchet. Je
n'oublie que les choses que je dois oublier, et quant a celle-ci,
je veux m'en souvenir. Assieds-toi donc la, mange tranquille, car
je m'apercois que tu regardes les restes de mon souper avec un
regard des plus expressifs.
-- Oui, monsieur, car le buffet de la voisine etait fort mal garni
en choses succulentes, et je n'ai mange depuis hier midi qu'une
tartine de pain et de confitures. Quoique je ne meprise pas les
douceurs quand elles viennent en leur lieu et place, j'ai trouve
le souper un peu bien leger.
-- Pauvre garcon! dit d'Artagnan; eh bien! voyons, remets-toi!
-- Ah! monsieur, vous me sauvez deux fois la vie, dit Planchet.
Et il s'assit a la table, ou il commenca a devorer comme aux beaux
jours de la rue des Fossoyeurs.
D'Artagnan continuait de se promener de long en large; il
cherchait dans son esprit tout le parti qu'il pouvait ti
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