signe. Cette fois, d'Artagnan avait daigne parler, il
fut donc obei avec une double vitesse.
D'Artagnan prit sa clef et sa chandelle et monta dans sa chambre.
Il s'etait contente, pour ne pas nuire a la location, d'une
chambre au quatrieme. Le respect que nous avons pour la verite
nous force meme a dire que la chambre etait immediatement au-
dessus de la gouttiere et au-dessous du toit.
C'etait la sa tente d'Achille. D'Artagnan se renfermait dans cette
chambre lorsqu'il voulait, par son absence, punir la belle
Madeleine.
Son premier soin fut d'aller serrer, dans un vieux secretaire dont
la serrure etait neuve, son sac, qu'il n'eut pas meme besoin de
verifier pour se rendre compte de la somme qu'il contenait; puis,
comme un instant apres son souper etait servi, sa bouteille de vin
apportee, il congedia le garcon, ferma la porte et se mit a table.
Ce n'etait pas pour reflechir, comme on pourrait le croire, mais
d'Artagnan pensait qu'on ne fait bien les choses qu'en les faisant
chacune a son tour. Il avait faim, il soupa, puis apres souper il
se coucha. D'Artagnan n'etait pas non plus de ces gens qui pensent
que la nuit porte conseil; la nuit d'Artagnan dormait. Mais le
matin, au contraire, tout frais, tout avise, il trouvait les
meilleures inspirations. Depuis longtemps il n'avait pas eu
l'occasion de penser le matin, mais il avait toujours dormi la
nuit.
Au petit jour il se reveilla, sauta en bas de son lit avec une
resolution toute militaire, et se promena autour de sa chambre en
reflechissant.
-- En 43, dit-il, six mois a peu pres avant la mort du feu
cardinal, j'ai recu une lettre d'Athos. Ou cela? Voyons... Ah!
c'etait au siege de Besancon, je me rappelle... j'etais dans la
tranchee. Que me disait-il? Qu'il habitait une petite terre, oui,
c'est bien cela, une petite terre; mais ou? J'en etais la quand un
coup de vent a emporte ma lettre. Autrefois j'eusse ete la
chercher, quoique le vent l'eut menee a un endroit fort decouvert.
Mais la jeunesse est un grand defaut... quand on n'est plus jeune.
J'ai laisse ma lettre s'en aller porter l'adresse d'Athos aux
Espagnols, qui n'en ont que faire et qui devraient bien me la
renvoyer. Il ne faut donc plus penser a Athos. Voyons... Porthos.
"J'ai recu une lettre de lui: il m'invitait a une grande chasse
dans ses terres, pour le mois de septembre 1646. Malheureusement,
comme a cette epoque j'etais en Bearn a cause de la mort de mon
pere, la lettre m'y suivit; j
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