bir le premier voyage a Paris, l'hotel
Cujas, Pellicule; mais il n'entendait pas, accoude a la fenetre
ouverte sur la nuit apaisee, baignee d'une lune pleine, tellement
brillante, que les coqs s'y trompaient et la saluaient comme le
jour levant.
Ainsi donc c'etait vrai cette redemption par l'amour dont parlent
les poetes; et il eprouvait une fierte a songer que tous ces
grands, ces illustres que Fanny avait aimes avant lui, loin de la
regenerer, la depravaient davantage, tandis que lui, par la seule
force de son honnetete, la tirerait peut-etre du vice pour
toujours.
Il lui etait reconnaissant d'avoir trouve ce moyen terme, cette
demi-rupture ou elle prendrait les nouvelles habitudes de travail
si difficiles a sa nature indolente; et sur un ton paternel, de
vieux monsieur, il lui ecrivit le lendemain pour encourager sa
reforme, s'inquieter du genre d'hotel qu'elle gerait, du monde qui
venait la; car il se mefiait de son indulgence et de sa facilite a
dire en se resignant: "Qu'est-ce que tu veux? c'est comme ca..."
Courrier par courrier, avec une docilite de petite fille, Fanny
lui fit le tableau de son hotel, vraie maison de famille habitee
par des etrangers. Au premier, des Peruviens, pere et mere,
enfants et domestiques nombreux; au second, des Russes et un riche
Hollandais, marchand de corail. Les chambres du troisieme
logeaient deux ecuyers de l'Hippodrome, chic anglais, tres comme
il faut, et le plus interessant petit menage, Mlle Minna Vogel,
cithariste de Stuttgart, avec son frere Leo, un pauvre petit
poitrinaire, oblige d'interrompre ses etudes de clarinette au
Conservatoire de Paris, et que la grande soeur etait venue
soigner, sans autre ressource que le produit de quelques concerts
pour payer l'hotel et la pension.
"Tout ce qu'on peut imaginer de plus touchant et de plus
honorable, comme tu vois, mon homme cheri. Moi-meme, je passe pour
veuve, et l'on me montre toutes sortes d'egards. Je ne souffrirais
pas d'abord qu'il en fut autrement; il faut que ta femme soit
respectee. Quand je dis "ta femme", comprends-moi bien. Je sais
que tu t'en iras un jour, que je te perdrai, mais apres il n'y en
aura plus d'autre; a jamais je resterai tienne, conservant le gout
de tes caresses, et les bons instincts que tu as reveilles en
moi... C'est bien drole, n'est-ce pas, Sapho vertueuse!... Oui,
vertueuse, quand tu ne seras plus la; mais pour toi je me garde
telle que tu m'as aimee, delirante et brulante... je t'ad
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