s exhortations. La vengeance, je n'y
avais songe que sous l'empire d'une pensee mauvaise, car ce
n'etait point du vrai coupable que je pouvais me venger; j'ai donc
deja renonce a la vengeance.
-- Ainsi, vous ne songez plus a chercher une querelle a
M. de Saint Aignan?
-- Non, monsieur. Un defi a ete fait; si M. de Saint-Aignan
l'accepte, je le soutiendrai; s'il ne le releve pas, je le
laisserai a terre.
-- Et de La Valliere?
-- Monsieur le comte n'a pas serieusement cru que je songerais a
me venger d'une femme, repondit Raoul avec un sourire si triste,
qu'il attira une larme aux bords des paupieres de cet homme qui
s'etait tant de fois penche sur ses douleurs et sur les douleurs
des autres.
Il tendit sa main a Raoul, Raoul la saisit vivement.
-- Ainsi, monsieur le comte, vous etes bien assure que le mal est
sans remede? demanda le jeune homme.
Athos secoua la tete a son tour.
-- Pauvre enfant! murmura-t-il.
-- Vous pensez que j'espere encore, dit Raoul, et vous me
plaignez. Oh! c'est qu'il m'en coute horriblement, voyez-vous,
pour mepriser, comme je le dois, celle que j'ai tant aimee. Que
n'ai-je quelque tort envers elle, je serais heureux et je lui
pardonnerais.
Athos regarda tristement son fils. Ces quelques mots que venait de
prononcer Raoul semblaient etre sortis de son propre coeur. En ce
moment, le laquais annonca M. d'Artagnan. Ce nom retentit, d'une
facon bien differente, aux oreilles d'Athos et de Raoul.
Le mousquetaire annonce fit son entree avec un vague sourire sur
les levres. Raoul s'arreta; Athos marcha vers son ami avec une
expression de visage qui n'echappa point a Bragelonne. D'Artagnan
repondit a Athos par un simple clignement de l'oeil; puis,
s'avancant vers Raoul et lui prenant la main:
-- Eh bien! dit-il s'adressant a la fois au pere et au fils, nous
consolons l'enfant, a ce qu'il parait?
-- Et vous, toujours bon, dit Athos, vous venez m'aider a cette
tache difficile.
Et, ce disant, Athos serra entre ses deux mains la main de
d'Artagnan. Raoul crut remarquer que cette pression avait un sens
particulier a part celui des paroles.
-- Oui, repondit le mousquetaire en se grattant la moustache de la
main qu'Athos lui laissait libre, oui, je viens aussi...
-- Soyez le bienvenu, monsieur le chevalier, non pour la
consolation que vous apportez, mais pour vous-meme. Je suis
console.
Et il essaya d'un sourire plus triste qu'aucune des larmes que
d'Artagnan eut jamais
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