dramatique, et celui de Moliere en particulier, a cela de
merveilleux que le procede en est tout different et plus complexe.
Au milieu des passions de sa jeunesse, des entrainements emportes et
credules comme ceux du commun des hommes, Moliere avait deja a un haut
degre le don d'observer et de reproduire, la faculte de sonder et de
saisir des ressorts qu'il faisait jouer ensuite au grand amusement de
tous; et plus tard, au milieu de son entiere et triste connaissance
du coeur humain et des mobiles divers, du haut de sa melancolie de
contemplateur philosophe, il avait conserve dans son propre coeur, on le
verra, la jeunesse des impressions actives, la faculte des passions, de
l'amour et de ses jalousies, le foyer veritablement sacre. Contradiction
sublime et qu'on aime dans la vie du grand poete! assemblage
indefinissable qui repond a ce qu'il y a de plus mysterieux aussi dans
le talent dramatique et comique, c'est-a-dire la peinture des realites
ameres moyennant des personnages animes, faciles, rejouissants, qui
ont tous les caracteres de la nature; la dissection du coeur la plus
profonde se transformant en des etres actifs et originaux qui la
traduisent aux yeux, en etant simplement eux-memes!
On rapporte que, pendant son sejour a Lyon, Moliere, qui s'etait deja
lie assez tendrement avec Madeleine Bejart, s'eprit de mademoiselle
Duparc (ou de celle qui devint mademoiselle Duparc en epousant le
comedien de ce nom) et de mademoiselle de Brie, qui toutes deux
faisaient partie d'une autre troupe que la sienne; il parvint, malgre la
Bejart, dit-on, a engager dans sa troupe les deux comediennes, et l'on
ajoute que, rebute de la superbe Duparc, il trouva dans mademoiselle de
Brie des consolations auxquelles il devait revenir encore durant les
tribulations de son mariage. On est alle jusqu'a indiquer dans la scene
de _Clitandre_, _Armande_ et _Henriette_, au premier acte des _Femmes
savantes_, une reminiscence de cette situation anterieure de vingt
annees a la comedie. Nul doute qu'entre Moliere fort enclin a l'amour,
et les jeunes comediennes qu'il dirigeait, il ne se soit forme des
noeuds mobiles, croises, parfois interrompus et repris; mais il serait
temeraire, je le crois, d'en vouloir retrouver aucune trace precise
dans ses oeuvres, et ce qui a ete mis en avant sur cette allusion, pour
laquelle on oublie les vingt annees d'intervalle, ne me semble pas
justifie.
On conserve a Pezenas un fauteuil dans lequel, dit-on, Mo
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