, credule, ignorante, ingrate, mechante et
bete; elle est bourgeoise enfin! Il y a une minorite sublime dans les
villes industrielles et dans les grands centres, sans aucun lien avec le
peuple des campagnes, et destinee pour longtemps a etre ecrasee par la
majorite vendue a la bourgeoisie. Cette minorite porte dans ses flancs
le peuple de l'avenir. Elle est le martyr veritable de l'humanite. Mais,
a cote d'elle et autour d'elle, le peuple, meme celui qui combat avec
elle en de certains jours, est monarchique. Nous qui n'avons pas vu les
journees de juin, nous avons cru, jusqu'a ce moment, que les faubourgs
de Paris avaient combattu pour le droit au travail. Sans doute, tous
l'ont fait instinctivement; mais voici des elections nouvelles qui
nous donnent le chiffre des opinions formulees. La majorite est a un
pretendant, ensuite a un juif qui paye les votes, et enfin, en nombre
plus limite, aux socialistes. Et, pourtant, Paris est la tete et le
coeur des socialistes. De leur cote, les chefs socialistes ne sont ni
des heros ni des saints. Ils sont entaches de l'immense vanite et
de l'immense petitesse qui caracterisent les annees du regne de
Louis-Philippe.
Aucune idee ne trouve la formule de la vie. La majorite de la Chambre
vote la mort du peuple, et le peuple en masse ne se leve pas sous le
drapeau de la Republique. Il faut a ceux-ci un empereur, a ceux-la des
rois, a d'autres des revelateurs bouffis et des theocrates. Nul ne sent
en lui-meme ce qu'il est et ce qu'il doit etre. C'est une effrayante
confusion, une anarchie morale complete et un etat maladif ou les plus
courageux se decouragent et souhaitent la mort.
La vie sortira, sans aucun doute, de cette dissolution du passe, et
quiconque sait ce que c'est qu'une idee ne peut etre ebranle dans sa
foi, en tant que principe. Mais l'homme n'a qu'un jour a passer ici-bas,
et les abstractions ne peuvent satisfaire que les ames froides. En vain
nous savons que l'avenir est pour nous; nous continuons a lutter et a
travailler pour cet avenir que nous ne verrons pas. Mais quelle vie
sans soleil et sans joies! quelle lourde chaine a porter! quels ennuis
profonds! quels degouts! quelle tristesse! Voila le pain trempe de
larmes qu'il nous faut manger. Je vous avoue que je ne puis accepter de
consolations et que l'esperance m'irrite. Je sais aussi bien que qui que
ce soit qu'il faut aller en avant; mais ceux qui me disent que c'est
pour traverser _en personne_ de plus riantes
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