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plus deveinard qu'il y ait. Voici trois ans que je suis dans cet
abominable pays. Je vois des jeunes gens qui arrivent a peine
d'Angleterre, et qui font sonner leurs poches pleines d'argent et
moi je suis aussi pauvre que le jour ou j'ai debarque. Ah! Jack,
vieux copain, si vous tenez a rester la tete au-dessus de l'eau,
il faut que vous cherchiez fortune ailleurs qu'en ma compagnie.
-- Des betises, Jack! vous etes en deveine aujourd'hui... Mais
ecoutez, quelqu'un marche au dehors! A son pas, je reconnais Dick
Wharton. Si quelqu'un est capable de vous remettre en train, c'est
lui.
Je parlais encore, que la porte s'ouvrit pour laisser entrer
l'honnete Dick Wharton, tout ruisselant d'eau, sa bonne face rouge
apparaissant a travers une buee comme la lune dans l'equinoxe
d'automne.
Il se secoua, et, apres nous avoir dit bonjour, il s'assit pres du
feu.
-- Dehors, Dick, par une nuit pareille? dis-je. Vous trouverez
dans le rhumatisme un ennemi pire que les Cafres, si vous ne
prenez pas des habitudes regulieres.
Dick avait l'air plus serieux que d'ordinaire.
On eut meme pu dire qu'il paraissait effraye, si l'on n'avait pas
connu son homme.
-- Fallait y aller, dit-il. Fallait y aller. Une des betes de
Madison s'est egaree. On l'a apercue par la-bas, dans la vallee de
Sasassa, et naturellement pas un de nos noirs n'a consenti a se
hasarder la nuit dans cette vallee et si nous avions attendu
jusqu'au matin, l'animal se serait trouve dans le pays des Cafres.
-- Pourquoi refusent-ils d'aller la nuit dans la vallee de
Sasassa? demanda Tom.
-- A cause des Cafres, je suppose, dis-je.
-- Fantomes, dit Dick.
Nous nous mimes tous deux a rire.
-- Je suis persuade qu'a un homme aussi prosaique que vous, ils
n'ont pas seulement laisse entrevoir leurs charmes? dit Tom du
fond de sa caisse.
-- Si, dit Jack d'un ton serieux, mais si, j'ai vu ce dont parlent
les noirauds, et, sur ma parole, mes garcons, je ne tiens pas a le
revoir.
Tom se mit sur son seant:
-- Des sottises, Dick, vous voulez rire, l'ami. Allons, contez-
nous tout cela: La legende d'abord, et ensuite ce que vous avez
vu. Passez-lui la bouteille, Jack.
-- Eh bien, dit Dick, pour la legende, il parait que les noirauds
se repassent de generation en generation la croyance que la vallee
de Sasassa est hantee par un Demon horrible. Des chasseurs, des
voyageurs qui descendaient le defile ont vu ses yeux luisants sous
les ombres des esca
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