ler, avait ete fort tranquille depuis la partie de campagne,
et il s'etait adonne a la reverie.
Or, le hasard voulut que master Salomon Barker vint au fumoir
apres le lunch, le jour de la cagnotte, et qu'il y trouvat le
lieutenant assis et faisant de la fumee, pour distraire sa
grandeur solitaire.
Battre en retraite eut paru une lachete.
Aussi l'etudiant s'assit-il sans mot dire et se mit a feuilleter
le _Graphic_.
Les deux nivaux trouvaient la situation egalement embarrassante.
Ils avaient pris l'habitude de mettre le plus grand soin a
s'eviter et maintenant ils se trouvaient brusquement mis face a
face, sans qu'un tiers fut la pour jouer le role de tampon.
Le silence finissait par devenir penible.
Le lieutenant bailla, toussa avec une nonchalance mal jouee et
continua a examiner d'un air sombre le journal qu'il tenait.
Le tic-tac de la pendule, le choc des billes qui arrivait de
l'autre cote du corridor, ou se trouvait la salle de billard,
prenaient une intensite et une monotonie qui, a la longue,
devenaient insupportables.
Sol leva les yeux une fois, mais il rencontra les yeux de son
compagnon, qui venait de faire exactement la meme chose.
Les deux jeunes gens se donnerent aussitot l'air de s'interesser
profondement, exclusivement aux dessins du plafond.
"Pourquoi me quereller avec lui? pensait Sol a part lui. Apres
tout, je ne demande qu'a jouer a chances egales. Probablement je
serai mal accueilli, mais je ne risque rien a lui offrir une
entree en conversation.
Le cigare de Sol s'etait eteint: l'occasion etait trop favorable
pour la laisser passer.
-- Auriez-vous l'obligeance de me donner une allumette,
Lieutenant? demanda-t-il.
Le lieutenant etait desole, extremement desole, mais n'avait pas
la moindre allumette.
C'etait un mauvais debut.
La politesse glaciale vous tient plus a distance que la
grossierete proprement dite. Mais master Salomon Barker, comme la
plupart des gens timides, etait l'audace meme, des que la glace
avait ete rompue.
Il ne voulait plus de ces coups d'epingle, de ces malentendus; le
moment etait venu des mesures definitives.
Il poussa son fauteuil jusqu'au milieu de la chambre et se planta
en face du militaire etonne.
-- Vous faites la cour a miss Nelly Montague, dit-il.
Jack se leva de son canape aussi promptement que si le taureau du
fermier Brown etait entre par la fenetre.
-- Et si je la fais, dit-il en tortillant sa moustache roussie,
qu
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