is: il fallait pour mettre
le comble a nos infortunes, que l'Eglise eut part a ces sanglants
sacrifices, et qu'elle melat son sang avec nos larmes par le massacre
d'un de ses ministres sacres, M. Le Maitre, homme egalement zele et
courageux pour le salut des ames.
"Ce bon pretre surveillant des travailleurs, et s'etant un peu retire
d'eux pour reciter son office plus paisiblement, recut soudain une
decharge de fusils. Blesse a mort, il alla rendre l'ame aux pieds des
Francais qui se trouverent incontinent charges de toutes parts, et
investis par cinquante ou soixante Iroquois, qui, sortant du bois comme
des lions de leurs cavernes, jeterent d'abord mort par terre un des
Francais, et en prirent un second en vie, bien resolus a n'en laisser
echapper aucun. Mais les autres qui restaient mirent aussitot la main a
l'epee, et, animes d'un grand courage, se firent jour a travers de ces
Iroquois et se sauverent a la residence de Saint-Gabriel. Ainsi maitres
du champ de bataille, qu'on ne leur disputait pas, ces barbares
tournerent leur rage contre les morts, n'ayant pu le faire davantage sur
les vivants."
Ce fut d'abord sur M. Le Maitre qu'ils s'en prirent; ils lui couperent
la tete, ainsi qu'au travailleur Gabriel de Rie qu'ils avaient tue. M.
Le Maitre, ne en Normandie, etait age de quarante-quatre ans quand il
fut tue.
Pour bien montrer que dans la guerre qu'ils faisaient aux Francais, ils
avaient surtout en vue de combattre leur religion et sa propagation
parmi eux, les Iroquois, apres avoir tue M. Le Maitre, pousserent de
grandes huees de joie pour avoir ainsi mis a mort un ministre de notre
sainte religion, une _robe noire_ comme ils appelaient les pretres.
Puis, a ce que raconte la soeur Marie de l'Incarnation, "un renegat qui
se trouvait parmi eux enleva la soutane de M. Le Maitre, s'en revetit,
et, ayant mis sa chemise par dessus pour imiter le surplis, fit la
procession autour du corps, en derision de ce qu'il avait vu faire aux
obseques des chretiens." Cet apostat marchait pompeusement ainsi couvert
de cette precieuse soutane, en vue des Montrealais qu'il bravait avec
insolence.
III
CIRCONSTANCES MERVEILLEUSES QUI SUIVIRENT LA MORT DE M. LE MAITRE.
La mort de M. Le Maitre fut accompagnee et suivie de circonstances
merveilleuses dont nous trouvons le recit dans les ecrits des
contemporains de ce martyr.
La soeur Bourgeoys, parlant de cette mort, dit qu'on regardait comme un
fait constant que ce
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