ea vers la residence de Saint-Gabriel, l'esprit preoccupe de la
fete du jour, et desireux "de sacrifier sa tete pour Jesus-Christ comme
son saint Precurseur." En qualite d'econome, il allait surveiller dans
un champ 14 ou 15 ouvriers, charges d'y retourner du ble mouille. Chacun
se mit a l'ouvrage de son cote, en laissant les armes dispersees en
plusieurs endroits. Ils etaient d'autant plus imprudents en agissant
ainsi qu'ils avaient dit eux-memes a M. Le Maitre, quelques instants
avant, qu'il y avait certainement des ennemis caches non loin, a cause
de quelques indices qu'ils avaient remarques. Par suite de cet avis, M.
Le Maitre regardait de cote et d'autre dans les buissons pour voir s'il
n'y avait pas des Iroquois en embuscade. En allant et venant il tomba
presque dans une de ces embuscades, car recitant alors les petites
heures de la decollation de saint Jean-Baptiste, et, oblige de tenir
frequemment les yeux sur son breviaire, il ne put voir les ennemis que
lorsque ceux-ci, apres s'etre approches a petit bruit, sortirent du
bois, et s'avancerent vers lui dans l'intention de le prendre vivant,
pendant que d'autres se mirent a courir sur les travailleurs.
M. Le Maitre, pensant au danger des Francais plutot qu'au sien propre,
resolut de disputer le passage aux Iroquois pour donner le temps aux
colons de prendre leurs armes. Dans ce but il s'arma d'un couteau, dont
il se couvrait comme d'un espadon, et se jeta entre les Iroquois et les
travailleurs, en leur criant d'avoir bon courage et de prendre leurs
armes pour defendre leur vie. Les Iroquois, voyant que ce pretre leur
barrait le chemin et les empechait ainsi de tuer les Francais, en
concurent un grand depit. Ils ne craignaient pas d'etre blesses par M.
Le Maitre, mais ils etaient curieux contre lui parce qu'ils ne pouvaient
l'approcher pour le prendre vivant et surtout parce qu'il avait averti
les travailleurs et leur donnait le temps de se rendre en bon ordre a la
residence.
Aussi pour se venger de M. Le Maitre, ils le tuerent a coups de fusils.
Quoique ayant recu plusieurs blessures mortelles, M. Le Maitre eut
encore le courage de courir vers ses travailleurs en leur recommandant
de se retirer, puis il expira.
Les _Relations_ des Jesuites de 1661 parlent comme suit de M. Le Maitre
et de sa mort. "C'etait trop peu pour notre malheur que tous les etats,
toutes les conditions, tous les ages eussent ete cette annee les
victimes immolees a la fureur de nos ennem
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