belle creature,
Dormait pres du Page endormi.
Le Roi ne contint sa colere
Devant ce spectacle nouveau:
Tel cas a son royal cerveau
Ne pouvait, vraiment, que deplaire.
Et tout, dans le premier moment,
En voyant ce tableau coupable.
Il aurait bien ete capable
D'ordonner qu'on pendit l'amant.
N'etait-ce point un pauvre sire,
N'ayant sou, ni maille, ni nom,
Si mince et petit compagnon
Qu'ecuyer n'eut daigne l'occire!
Ils etaient pourtant beaux ainsi,
Tete contre tete penchee,
Chevelure en blonde jonchee,
Et bras enlaces a merci.
Ils souriaient, et dans leur reve,
Aussi charmant qu'eux et leger,
Ils semblaient encor prolonger
L'heure aux amants toujours trop breve;
Car ils balbutiaient entre eux
Des mots si doux de voix si tendre,
Qu'aux bois il n'est plus doux d'entendre
Ensemble ramiers amoureux.
--"Je vous aime, Belle-Mignonne;"
--"Je vous aime, Page-Parfait;"
Redisaient-ils. Amour de fait
Autrement ni plus ne jargonne.
Le bel Amour n'a jamais tort.
Le Roi pouvait-il d'aventure
Empecher que, contre nature,
Amant aime fut le plus fort?
Contre ouragan, feu, fer et flamme,
Contre vent, maree et fureurs,
Poisons, serpents, rois, empereurs,
Prevaut force aimante de l'ame.
Notre Roi donc, bien qu'a regret
Et bien qu'il perdit l'assurance
Des grands presents qu'en esperance
Chaque Prince a sa fille offrait
(Ce dont il faisait le decompte),
Consentit bien a les unir,
Ainsi qu'il devait advenir
De la facon que je raconte.
Tout bon courtisan approuva,
Quoiqu'il en eut de jalousie.
Il n'est royale fantaisie
Qu'on ne suive comme elle va:
Aussi fut-ce chants d'hymenee,
Fleurs en bouquets et compliments
Autour du reveil des amants
Et de leur grand'joie etonnee.
Les noces durerent trois mois:
Il faudrait pour les conter telles
Les belles Muses immortelles
De Ronsard, le grand Vendomois.
Sachez seulement que la Reine
Et le Roi n'oublierent pas
De faire prier au repas
La malicieuse Marraine.
MORALITE
Ce chemin de fleurs peut montrer,
Si ma fable vous embarrasse,
Qu'Amour laisse apres soi sa trace;
Et d'ou je veux encor tirer
Qu'Amour est chose si fleurie.
Qu'il ne se peut longtemps cacher,
Ni ses belles fleurs empecher
D'etre telles qu'on s'en recrie.
SAUGE-FLEURIE
I
COMMENT SAUCE-FLEURIE AIMA LE FILS
DU ROI
Alors vivait sans credit ni richesse
Une Fee humble et seule; car il est
Des rangs parmi ces Dames, s'il vous plait,
Comme, chez nous, de vilaine a duchesse.
|