'aucune fille de nos rois!
Rose ainsi fit qu'aux messageres
Elle avait dit qu'elle ferait;
Chaque jour, elle se parait
D'etoffes blanches et legeres;
Les myrtes aux roses meles
Ceignaient son front, et sure d'elle
Et de son bel amour fidele,
Malgre bien des jours ecoules
Dans l'attente et la solitude,
En son Castel, chaque matin,
Elle attendait l'epoux lointain
Sans trouble et sans incertitude.
Et tel etait son sentiment
Et sa foi, que la longue attente
Ne la rendait que plus constante,
Et que l'on admirait comment
Sa magnifique indifference
Mettant la Cour en desarroi
Deconcertait maint fils de Roi
Venu dans une autre esperance,
Son Pere etait tout deconfit
Et le pauvre homme en cette affaire
Ne savait vraiment plus que faire:
Et que vouliez-vous bien qu'il fit?
Larmes, prieres, etaient vaines;
Et ce fut tout de meme en vain
Qu'il s'enquit d'un fameux devin
Et qu'il ordonna des neuvaines.
Rose n'entendait pas raison.
Et revenait, sans etre lasse,
Chaque jour a la meme place
Consulter le pale horizon
Des l'aube.--Et la belle songeuse
Ne songeait a rien qu'a l'amant,
Que lui ramenait surement
Son ambassade voyageuse.
IV
COMMENT MYRTIL FIT A TRAVERS LE MONDE UN VOYAGE
MERVEILLEUX QUI DURA CENT ET
CINQUANTE ANNEES.
Myrtil s'etait mis en chemin,
Guide par les bonnes Abeilles.
Lorsqu'il les eut de ses oreilles
Oui, comme en langage humain,
Qui contaient l'histoire suivie
De son beau songe trait pour trait,
Et comment Rose l'attendrait
S'il le fallait, toute la vie,
Aussitot le Prince amoureux,
Malgre tout le noble entourage,
Qui ne craignait que son courage
En ce depart aventureux,
Prit une belle et bonne armee
Et se mit en marche a travers
Tant et tant de peuples divers,
Pour retrouver sa bien aimee,
Qu'il n'est Monarque ou Conquerant
Qui, pour de moins belles victoires
Et des travaux moins meritoires,
N'en ait recu le nom de Grand.
L'Amant, dont la fortune heureuse
N'avait que des coups surprenants,
Par les mers et les continents
Promenait sa gloire amoureuse.
--Mais, si je tire du recit,
Dont j'ai suivi le commentaire,
Qu'il venait du bout de la terre,
Notre monde se retrecit
Et n'a plus la meme apparence;
Car, outre les pays connus
Dont bien des gens sont revenus,
Tels que Chine, Inde, Egypte et France,
Il avait encor parcouru
Bien des mers depuis ignorees
Et de fabuleuses contrees
Qui de ce monde ont disparu:
La mer ou chantaient les Sirenes
Et les vallons melodieux
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