Viens, Myrtil, donne-moi la main.
Et bien que ta vertu connaisse
L'arche d'amour et de jeunesse,
Je veux te montrer le chemin,
Et comment en notre demeure
Pour nous un meme trone est pret
Ou j'avais dit qu'on me verrait
Venir jusqu'au jour que je meure!"
Et sur leur trone radieux
Ils furent, comme deux statues
Augustes et de blanc vetues,
Comme on imagine les dieux
Aupres des deesses insignes:
Et leurs cheveux en s'argentant
Etaient devenus blancs autant
Que les colombes et les cygnes:
Car, puisqu'il faut vous dire tout
En un mot, sachez, je vous prie,
(Bien qu'un miracle de feerie
Eut ete bien mieux de mon gout)
Que l'age en cette conjoncture
Avait de meme, parait-il,
Rendu Rose-Rose et Myrtil
Aussi vieux qu'etait la nature.
Oh! que s'il m'eut ete permis,
Ainsi qu'aux poetes antiques.
De creer des dieux authentiques,
Je les eusse en un temple mis
Parmi les plus touchants exemples
D'amour et de fidelite,
Chacun contre l'autre accote,
Sous un dais de pourpre aux plis amples,
Tels quels avec leurs blancs habits
Ainsi qu'avec les myrtes pales
Changes soudain en fleurs d'opales
Parmi des roses de rubis:
Car en meme temps leurs prunelles
Et leur sourire, en verite,
Avaient pris l'immobilite
Qui n'est qu'aux choses eternelles!
De cela, vous ne doutez pas,
Comme il apparait, ce me semble,
Qu'ils etaient reunis ensemble
Et passes de vie a trepas,
Dans le petit Castel de cire
Qui devint ainsi leur tombeau:
Et leur sort m'a paru si beau,
Qu'il m'a plu de vous le decrire.
VIII
COMMENT LES ABEILLES CHANTERENT, CE QUE L'AUTEUR
EXPOSE EN MANIERE DE CONCLUSION
Le vieux conte que j'ai suivi,
Dit encore, entre autres merveilles,
Que sur ce les bonnes Abeilles,
S'empressant toutes a l'envi,
De miel et de cire embaumee
Vinrent murer le monument
Ou notre glorieux amant
Dormait avec sa bien-aimee;
Et que notre Essaim tout autour
De cette belle sepulture,
Dont il avait clos l'ouverture,
Forma jusqu'au declin du jour
Des chants faits de si doux bruits d'ailes,
Qu'il etait plus croyable encor
Qu'il celebrat les noces d'or
Des Epoux a jamais fideles.
LES DEUX TALISMANS
COMMENT LA FEE ARBIANNE AVAIT DEUX AMANTS
La Fee Arbianne avait deux talismans:
Un Casque d'or qui rendait invisible,
Et, d'autre part, une Epee invincible.
Arbianne avait de meme deux amants.
Si je l'en blame, au moins que l'on m'accorde,
Au lieu d'aller se creuser le cerveau,
Qu'en avoir trois chez nous n'est
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