eaux
Et les cedres aux noirs rameaux,
A mesure de leur grand age,
Avaient pousse leur front serein
Et leur taille extraordinaire
Bien haut au dessus du tonnerre,
D'autre part, l'effort souterrain
De leurs racines biscornues,
Travaillant la colline, avait
Fait que le Castel se trouvait
Comme un temple parmi les nues.
Et ce n'etait plus comme avant
Colline humble, pente et mi-cote,
Mais pic d'azur, montagne haute
Ou ne peut atteindre le vent.
L'acces au Prince en fut facile,
Soit qu'alors un char enchante
Ou quelque autre engin l'ait porte
Aupres de Rose en cet asile
D'amour, de gloire et de repos,
D'ou l'on voyait par les vallees
Dix mille villes assemblees,
Comme en leurs parcs, de blancs troupeaux,
Les mers et les eaux miroitantes,
Et les moissons et les forets,
Et sur cent mille arpents, aupres
Du lac profond, cent mille tentes!
VII
COMMENT ROSE ACCUEILLIT MYRTIL ET DU DISCOURS
QU'ELLE LUI TINT
Myrtil s'avancait au milieu
Des Colombes, parmi les nues,
Et des Abeilles revenues
De leur voyage en ce haut lieu,
D'ou Rose eut le monde en offrande.
Mais cette fois le Conquerant,
Au monde meme indifferent,
Trouve enfin que la terre est grande
Assez, puisqu'il a retrouve
Rose-Rose et son doux sourire,
Et, tel que je l'ai pu decrire,
Le Castel qu'il avait reve.
Et comme il deposait son glaive
En s'agenouillant sur le seuil,
Rose s'en vient lui faire accueil
De ses deux bras et le releve:
--"Heureux le jour ou je te vois,
Myrtil, heureuses les annees
Qui rassemblent nos destinees!"
Dit-elle. Et le son de sa voix,
Limpide comme une fontaine,
Est frais comme les belles eaux
Ou viennent boire les oiseaux
Apres une course lointaine.
"Heureux le songe ou je t'ai vu!
Et vous, compagnes devouees
De son retour, soyez louees,
Abeilles, pour avoir pourvu
De tant d'honneur son beau courage,
Et pour me l'avoir ramene
Aux lieux ou notre amour est ne,
Dans le premier temps de notre age.
Cher epoux, tu m'es donc rendu,
Mais je n'eus que joie a t'attendre,
Puisque je t'ai d'un coeur plus tendre,
En toute assurance, attendu:
Et cette assurance etait telle
Et me faisait vivre si fort
Que j'eusse attendu sans effort
Jusqu'a devenir immortelle!
Non, non, les ans n'ont apporte
A notre amour aucun dommage,
Amour a toujours le meme age,
Et t'ai-je seulement quitte!
Car, malgre les longues annees,
Tu vois que sur mon front les fleurs
Dont nos noms portent les couleurs,
Ne sont point seulement fanees.
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