Peuples de Heros et de Dieux
Encor chers aux Muses sereines.
Le jardin d'Eden, ou tomba
Adam et la race insoumise
Des hommes, la Terre Promise
Et le Royaume de Saba,
La cote d'Ophir et, pres d'elle,
L'or en montagne accumule,
Le Venusberg, l'ile Thule,
Ou mourut le Vieux Roi fidele,
Et les terres des Paladins,
Et la Foret ou j'imagine
Que vivaient Morgane et Brangine,
L'Ile d'Armide et ses jardins
Avant Renaud et la Croisade,
Et tout l'Orient enchante,
En mille et une nuits conte
Par la bonne Scheherazade:
Et Myrtil allait a travers
Le monde, entrainant a sa suite,
En son amoureuse poursuite,
Tous les peuples de l'Univers!
Car les Abeilles etaient Fees,
Et, des que son glaive avait lui,
Les rois vaincus dressaient pour lui
Des colonnes et des trophees.
Si le voyage fut si grand
Que je n'ai pu faire le compte
Des merveilles qu'on en raconte,
Je puis, du moins, en comparant
Les dates qui m'en sont donnees.
Conclure que, pour parcourir
L'Univers et le conquerir,
Il mit cent et cinquante annees.[1]
[Note 1: Ce calcul est insuffisant,
Car alors la belle duree
Des longs ans etait mesuree
Autrement qu'elle est a present.
(Note de l'auteur)]
V
COMMENT MYRTIL VIT LE PETIT CASTEL DE CIRE ET
LES ADMIRABLES CHANGEMENTS QUI S'ETAIENT
FAITS DANS LA NATURE DU JARDIN
Il est clair qu'un si grand concours
De peuples en tel equipage
Ne se meut point sans grand tapage.
Donc, par les chemins les plus courts,
Tous les courriers de la frontiere
Revenaient en hate, annoncant
A Rose qu'un Roi tout Puissant
Avait conquis la terre entiere
Et n'avait plus qu'a conquerir
Ce seul royaume, en telle sorte
Que son armee etait si forte,
Qu'il entrerait sans coup ferir.
Rose ouit ce preliminaire
Comme Reine, sans s'emouvoir,
Ayant herite du pouvoir
De son pere mort centenaire,
(On vivait tres vieux en ce temps).
Mais l'on s'etonnait que la Reine
Demeurat d'humeur si sereine
Devant ces perils eclatants.
Or, sans vous creuser la cervelle.
Vous avez devine comment
Rose ne s'emut nullement
En entendant cette nouvelle,
Car vous pouvez vous figurer
Que quelque Abeille avant-coureuse
Avait dit a notre amoureuse
Plus que de quoi la rassurer.
La Mouche-Fee, a son oreille,
Comme une clochette d'or fin,
Sonna si doucement, qu'enfin
Rose n'eut joie autre ou pareille.
Comme moi, vous pouvez deja
Conclure de cette arrivee
Que, des que l'aube fut levee
Dans le ciel et se propagea,
Myrtil avait quitte sa tent
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