Et grace a ce rare savoir,
Elle avait sur le Roi, son pere,
Pour gouverner l'Etat prospere,
Tout credit, conseil et pouvoir:
L'hiver n'empechait pas les roses
D'eclore en ces temps merveilleux,
Et les Abeilles en tous lieux
En savaient long sur toutes choses.
Ceci n'est qu'un conte amoureux
Que je dedie aux coeurs fideles.
Aimez seulement mes modeles
Aussi bien que je fais pour eux.
II
COMMENT ROSE-ROSE ET MYRTIL EURENT UN SONGE
SEMBLABLE, ET DES PROPOS QUE ROSE-ROSE EUT
AVEC LES ABEILLES
Rose-Rose, a peine eveillee,
Des la premiere aube appela
Ses femmes, et ce matin-la,
De blanc voulut etre habillee:
Elle fut donc vetue ainsi
Que sont les blanches fiancees.
Mais nul ne savait ses pensees.
L'amour n'avait pu jusqu'ici
Troubler une dame aussi sage.
On assurait qu'il n'etait point
De pretendant qui, sur ce point,
Eut vu rougir son beau visage.
Quand on eut peigne ses cheveux,
Plus blonds qu'une moisson doree,
Et qu'elle fut ainsi paree
Et belle assez selon ses voeux,
Elle fit, contre l'habitude,
Eloigner ses Dames d'honneur,
Comme si son secret bonheur
S'augmentait de sa solitude.
Elle s'en fut seule au jardin
Pour causer avec les Abeilles.
--Des parterres et des corbeilles,
Des bosquets, des gazons, soudain
Toutes s'empresserent vers elle,
Et par mille souhaits charmants,
Graces, bonjours et compliments,
Lui temoignerent de leur zele.
Apres tous ces gentils discours,
Prenant sa voix la plus menue,
Rose leur dit:--"Je suis venue
Vous demander aide et secours;
Et tout d'abord je vous rends grace
De ce que vous ne m'avez fait
Encor defaut d'aucun bienfait:
Voici le cas qui m'embarrasse.
"J'aime un Prince que je n'ai vu
Qu'en songe encor, cette nuit meme;
Rien ne m'est plus, sinon qu'il m'aime
Et qu'il m'a prise au depourvu.
Amour donc jamais ne nous laisse
Sans aimer, car je ne suis plus,
Malgre mes dedains resolus,
Que joie, espoir, trouble et faiblesse!
--"Le lieu de mon songe etait tel,
Que je vis en cette aventure
Ce meme jardin en peinture,
Ces fleurs et ce petit Castel
Que vous m'avez sur la colline
Tout bati de cire, au dessus
Du petit lac aux bords moussus
Et de ce jardin qui decline.
Ce fut la qu'il me vint chercher
Et me put expliquer sa flamme
En mots si vrais, que jusqu'a l'ame
Son bel amour me sut toucher:
Et comme en un miroir immense
Je me voyais lui souriant
Et lui de meme me priant
Tout obtenir de ma clemence.
--"Je suis fils de Roi, disait-il,
Et j
|