uiete comme tant d'autres, de l'issue d'une manifestation qui
semblait n'avoir pour but qu'un voeu populaire en faveur de la Pologne.
En passant devant un cafe, on me montra a la fenetre du rez-de-chaussee
une dame fort animee, qui recevait une sorte d'ovation de la part des
passants et qui haranguait la manifestation. Les personnes qui se
trouvaient a mes cotes m'assurerent que cette dame etait George Sand; or
je vous assure, citoyen, que ce n'etait pas moi, et que je n'etais dans
la foule qu'un temoin de plus du triste evenement du 15 mai.
Puisque j'ai l'occasion de vous fournir un detail de cette etrange
journee, je veux vous dire ce que j'ai vu.
La manifestation, etait considerable, je l'ai suivie pendant trois
heures. C'etait une manifestation pour la Pologne, rien de plus pour la
grande majorite des citoyens qui l'avaient augmentee de leur concours
durant trajet, et pour tous ceux qui l'applaudissaient au passage. On
etait surpris et charme du libre acces accorde a cette manifestation
jusqu'aux portes de l'Assemblee. On supposait que des ordres avaient ete
donnes pour laisser parvenir les petitionnaires; nul ne prevoyait
une scene de violence et de confusion au sein de la representation
nationale. Des nouvelles de l'interieur de la Chambre arrivaient au
dehors. L'Assemblee, sympathique au voeu du peuple, se levait en masse
pour la Pologne et pour l'organisation du travail, disait-on. Les
petitions etaient lues a la tribune et favorablement accueillies.
Puis, tout a coup, on vint jeter a la foule stupefaite la nouvelle de
la dissolution de l'Assemblee et la formation d'un pouvoir nouveau
dont quelques noms pouvaient repondre au voeu du groupe passionne qui
violentait l'Assemblee en cet instant, mais nullement, j'en reponds, au
voeu de la multitude. Aussitot cette multitude se dispersa, et la force
armee put, sans coup ferir, reprendre immediatement possession du
pouvoir constitue.
Je n'ai point a rendre compte ici des opinions et des sympathies de
telle ou telle fraction du peuple qui prenait part a la manifestation;
mais toute voix en France a le droit de s'elever en ce moment pour dire
a l'Assemblee nationale: "Vous avez traverse heureusement un incident
inevitable en temps de revolution, et, grace a la Providence, vous
l'avez traverse sans effusion de sang humain. Dans le desordre d'idees
ou cet evenement va vous jeter durant quelques jours, prouvez, citoyens,
que vous pouvez maitriser votre emotion et ne
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