ces precaires de la chasse et de la peche."
Enfin le printemps arriva. Jamais dans les longues journees d'hiver, le
zele et le devouement de Jean Renousse ne s'etait ralentis une seule
fois. Sous le commandement de Bois-Hebert il avait ete faire le coup de
feu contre les Anglais, puis aussitot sa tache achevee, il etait revenu
prendre son role de pourvoyeur. Souvent, dans le cours de l'hiver, on
l'avait vu parcourir des distances considerables, refouler au plus
profond de son ame tout sentiment de haine et d'antipathie, qu'il avait
voue aux Anglo-Americains et rapporter des traitants Anglais, qui
etaient etablis le long de la cote, a la place des malheureux Acadiens
expropries, les quelques effets qui pouvaient etre utiles et agreables a
ses protegees. Mais le printemps qui apporte, pour le pauvre au moins,
un soupir de soulagement et une larme d'esperance; pour l'homme qui
jouit de l'aisance, un sentiment de satisfaction par anticipation des
jouissances que la nouvelle saison doit lui donner, etait pour les
pauvres expatries charge d'orages.
Ou iraient-ils fixer leurs demeures? En quel endroit seraient-ils hors
des atteintes de leurs implacables ennemis? Etait-il un lieu a l'abri de
leurs rapines, ou l'on put fournir le pain et la nourriture a la famille
et aux pauvres enfants qui les reclamaient? Telles furent les questions
que se poserent les Acadiens de la colonie que M. St.-Aubin avait
formee.
Plusieurs deciderent de demeurer dans les bois, d'autres resolurent,
d'aller rejoindre leurs concitoyens echelonnes sur la cote, proteges
seulement par l'isolement et l'inhospitalite des parages qu'ils
habitaient. Madame St.-Aubin se voyant seule, a bout de toutes
ressources, et ne voulant plus etre a charge du genereux Jean Renousse
ainsi qu'a ses compagnons, prit la resolution du se rendre en Canada. En
effet, de vagues rumeurs etaient parvenues que dans ces pays lointains
un bon nombre d'Acadiens avaient, dans le voisinage de Montreal, fondes
une petite colonie.
Jean Renousse, dans ces rapports avec les traitants anglais, avait
appris d'une maniere certaine qu'un vaisseau portant un certain nombre
d'emigrants avait mis a la voile pour le Canada. D'apres le nombre de
jours qu'il etait en mer, il ne tarderait pas a etre en vue.
V
Que nos lecteurs nous permettent de les transporter au-dela de l'Ocean.
Nous sommes dans un port de mer: Voyons l'activite qui y regne. Des
centaines de vaisseaux dechargent d'un cote d
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