Scanderbeg
veulent en etre les heritiers et porter sur le pavois le chef de leur
famille.
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Parmi tous les Toptan,--et il y en a aujourd'hui plus de quinze
familles,--Refik bey est le plus ouvert peut-etre aux choses du dehors
et le plus averti; on m'avait recommande a lui chaudement et tout un
jour nous nous promenames a travers Tirana et ses environs; c'est un
homme de quarante ans a peine, de taille moyenne, bien pris dans un
vetement a l'europeenne qui parait venir tout droit de Londres: la
culotte de cheval serree dans des guetres de cuir et la veste qui le
moule, terminee par un col de linge, lui donnent l'allure d'un parfait
gentleman; les yeux sont bruns, le regard fin et energique, la moustache
chatain clair, la peau doree par le soleil; Refik cause avec plaisir des
choses d'Occident qu'il a vues et meme de Paris qu'il a visite avec un
drogman; il est delegue de Tirana avec un hodja et un effendi villageois
au congres d'El-Bassam et il a deja prepare ses bagages qu'un Occidental
ne renierait pas: des valises de cuir, un lit de campagne, une
moustiquaire; le tout va etre charge sur des chevaux et la caravane doit
se mettre en route le soir meme.
Nous nous dirigeons du cote de son tchiflik et il me decrit ainsi la
situation sociale de la vallee de Tirana. Dans les environs de la ville
il y a, dit-il, environ cent-quatre-vingts villages, generalement tres
cultives et tres prosperes; sur ce nombre une vingtaine sont, avec leurs
terres et leurs habitants, la propriete des beys et surtout des Toptan:
Essad Pacha, Fuad bey, le doyen de la famille, qui a atteint la
cinquantaine, et son fils Musaffer bey, dont l'oncle Fadil Pacha (Fasil
en turc) a habite Paris, Refik bey, etc.; les autres villages
fournissent aussi des cultivateurs aux beys et souvent un fermier est en
meme temps petit proprietaire; generalement il loue son bien et continue
a travailler les terres beylicales.
Refik possede cent dix fermes et deux cents cinquante paysans sont ses
metayers; ceux-ci habitent une maison qui est leur propriete,
travaillent les terres et partagent la recolte avec le maitre qui ne
recoit qu'un tiers, les deux autres appartenant au paysan. Dans le sud
de l'Albanie, dans la region de Vallona par exemple, le partage se fait
par moitie; d'ailleurs, dans le nord de l'Epire, les terres des beys
sont beaucoup plus vastes; la-bas, le paysan est souvent orthodoxe et
d'origine grecque, le
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