eleves, soutenus de schistes redresses sur de puissantes assises de
gneiss et de granit pittoresquement disloques. Une splendide vegetation
perce autour de ces blocs sauvages, et la Creuse, tantot agitee,
bouillonne parmi leurs debris, tantot, limpide et unie, les reflete
comme un miroir.
De la petite eglise de Ceaulmont, perchee au plus haut des rochers, la
vue plonge dans ces profonds meandres adorablement composes, et s'etend
au-dessus des ravins et au-dessus des plateaux jusqu'aux montagnes de la
Marche.
Le hasard de la promenade nous avait donc conduits dans un des sites les
plus favorables pour observer l'effet pittoresque de l'occultation du
soleil, sur une grande etendue de ciel et de terrains. Nous etions la
juste au moment ou le phenomene s'est produit le plus complet, et le
ciel charge de plusieurs couches de nuages nous a permis de voir a
l'oeil nu, a vingt reprises differentes, le mince croissant qui semblait
courir dans les nuees chassees par des courants superieurs assez forts.
Ce croissant ressemblait tellement a celui de la lune, que les paysans,
etonnes, croyaient le voir a la place du soleil sans trop s'inquieter de
ce que le soleil lui-meme etait devenu: A ce moment-la, les nuages,
qui s'etaient amonceles comme un orage, se sont rapidement etendus
en _stratus_ legers, et la campagne a pris un ton particulier assez
semblable a celui de l'aube, avec cette difference bien sensible et qui
constitue l'originalite du spectacle, qu'au crepuscule du matin ou du
soir, les horizons du ciel se colorent du cote du soleil et que ceux de
la terre se dessinent nettement, laissant la nuit envahir le zenith;
tandis que, durant l'eclipse, la nuit semblait se faire et venir a nous
de toutes les profondeurs de l'horizon pour se dissiper vers le sommet
de la voute celeste. Ainsi les lointains etaient indecis et entierement
decolores, sans que les objets rapproches fussent sensiblement alteres.
Quand le croissant solaire se degageait des nuages, il suffisait meme
a projeter fortement les ombres autour de nous, et ce contraste d'une
assez vive lumiere sur nos tetes avec l'eloignement obstine des
lointains offrait un aspect de la nature tres insolite et tres frappant.
L'un de nous, qui a la vue particulierement longue et nette, a observe
plus faiblement, mais avec conviction, ce que j'avais pu constater avec
lui lors de la derniere eclipse, ce que je n'ai pu saisir cette fois-ci,
ayant un peu trop regarde le soleil a l
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