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ui m'ont abandonne." Alors elle porta la main sur son coeur, et tomba sans connaissance. Je pensai tout de suite: "C'est ma mere!" mais je me gardai bien de laisser rien voir. Je voulais la regarder venir. Par exemple, je pris de mon cote mes renseignements. J'appris qu'ils n'etaient maries que du mois de juillet precedent, ma mere n'etant devenue veuve que depuis trois ans. On avait bien chuchote qu'ils s'etaient aimes du vivant du premier mari, mais on n'en avait aucune preuve. C'etait moi la preuve, la preuve qu'on avait cachee d'abord, espere detruire ensuite. J'attendis. Elle reparut un soir, toujours accompagnee de mon pere. Ce jour-la, elle semblait fort emue, je ne sais pourquoi. Puis, au moment de s'en aller, elle me dit: "Je vous veux du bien, parce que vous m'avez l'air d'un honnete garcon et d'un travailleur; vous penserez sans doute a vous marier quelque jour; je viens vous aider a choisir librement la femme qui vous conviendra. Moi, j'ai ete mariee contre mon coeur une fois, et je sais comme on en souffre. Maintenant, je suis riche, sans enfants, libre, maitresse de ma fortune. Voici votre dot." Elle me tendit une grande enveloppe cachetee. Je la regardai fixement, puis je lui dis: "Vous etes ma mere?" Elle recula de trois pas et se cacha les yeux de la main pour ne plus me voir. Lui, l'homme, mon pere, la soutint dans ses bras et il me cria: "Mais vous etes fou!" Je repondis: "Pas du tout. Je sais bien que vous etes mes parents. On ne me trompe pas ainsi. Avouez-le et je vous garderai le secret; je ne vous en voudrai pas; je resterai ce que je suis, un menuisier." Il reculait vers la sortie en soutenant toujours sa femme qui commencait a sangloter. Je courus fermer la porte, je mis la clef dans ma poche, et je repris: "Regardez-la donc et niez encore qu'elle soit ma mere." Alors il s'emporta, devenu tres pale, epouvante par la pensee que le scandale evite jusqu'ici pouvait eclater soudain; que leur situation, leur renom, leur honneur seraient perdus d'un seul coup; il balbutiait: "Vous etes une canaille qui voulez nous tirer de l'argent. Faites donc du bien au peuple, a ces manants-la, aidez-les, secourez-les!" Ma mere, eperdue, repetait coup sur coup: "Allons-nous-en, allons-nous-en!" Alors, comme la porte etait fermee, il cria: "Si vous ne m'ouvrez pas tout de suite, je vous fais flanquer en prison pour chantage et violence!" J'etais reste maitre de moi; j'ouvris la porte et je le
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