s, des demi-messieurs peu bruyants, buvaient et
causaient doucement, accoudes sur de petites tables, tandis que deux
joueurs de billard marchaient autour du tapis vert ou roulaient les
billes en se heurtant.
On entendait leur voix compter: "Dix-huit,--dix-neuf.--Pas de
chance.--Oh! joli coup! bien joue!--Onze.--Il fallait prendre par la
rouge.--Vingt.--Bille en tete, bille en tete.--Douze. Hein! j'avais
raison?"
Varajou commanda: "Une demi-tasse et un carafon de fine, de la
meilleure."
Puis il s'assit, attendant sa consommation.
Il etait accoutume a passer ses soirs de liberte avec ses camarades,
dans le tapage et la fumee des pipes. Ce silence, ce calme
l'exasperaient. Il se mit a boire, du cafe d'abord; puis son carafon
d'eau-de-vie, puis un second qu'il demanda. Il avait envie de rire
maintenant, de crier, de chanter, de battre quelqu'un.
Il se dit: "Cristi, me voila remonte. Il faut que je fasse la fete." Et
l'idee lui vint aussitot de trouver des filles pour s'amuser. Il appela
le garcon.
--He, l'employe!
--Voila, m'sieu.
--Dites, l'employe, ousqu'on rigole ici?
L'homme resta stupide a cette question.
--Je n'sais pas, m'sieur. Mais ici!
--Comment ici? Qu'est-ce que tu appelles rigoler, alors, toi?
--Mais je n'sais pas, m'sieu, boire de la bonne biere ou du bon vin.
--Va donc, moule, et les demoiselles, qu'est-ce que t'en fais?
--Les demoiselles! ah! ah!
--Oui, les demoiselles, ousqu'on en trouve ici?
--Des demoiselles?
--Mais, oui, des demoiselles!
Le garcon se rapprocha, baissa la voix:
--Vous demandez ousqu'est la maison?
--Mais oui, parbleu!
--Vous prenez la deuxieme rue a gauche et puis la premiere a
droite.--C'est au 15.
--Merci, ma vieille. V'la pour toi.
--Merci, m'sieu.
Et Varajou sortit en repetant: "Deuxieme a gauche, premiere a droite,
15." Mais au bout de quelques secondes, il pensa: "Deuxieme a
gauche,--oui,--Mais en sortant du cafe, fallait-il prendre a droite ou a
gauche? Bah? tant pis, nous verrons bien."
Et il marcha, tourna dans la seconde rue a gauche, puis dans la premiere
a droite, et chercha le numero 15. C'etait une maison d'assez belle
apparence, dont on voyait, derriere les volets clos, les fenetres
eclairees au premier etage. La porte d'entree demeurait entr'ouverte, et
une lampe brulait dans le vestibule. Le sous-officier pensa:
--C'est bien ici.
Il entra donc et, comme personne ne venait, il appela:
-Ohe! Ohe!
Une pet
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