nt dans ces lieux de carnage: leurs efforts
sont inutiles; on immole les victimes jusque dans leurs bras! Eh bien!
j'etais dans une fausse securite; j'ignorais ces cruautes, depuis quelque
temps on ne me parlait de rien. Je les apprends enfin, et comment? d'une
maniere vague, indirecte, defiguree: on m'ajoute en meme temps que tout
est fini. Les details les plus dechirans me parviennent ensuite; mais
j'etais dans la conviction la plus intime que le jour qui avait eclaire
ces scenes affreuses ne reparaitrait plus. Cependant elles continuent;
j'ecris au commandant general, je le requiers de porter des forces aux
prisons; il ne me repond pas d'abord. J'ecris de nouveau: il me dit qu'il
a donne des ordres; rien n'annonce que ces ordres s'executent. Cependant
elles continuent encore: je vais au conseil de la commune; je me rends de
la a l'hotel de la Force avec plusieurs de mes collegues. Des citoyens
assez paisibles obstruaient la rue qui conduit a cette prison; une tres
faible garde etait a la porte: j'entre... Non, jamais ce spectacle ne
s'effacera de mon coeur! Je vois deux officiers municipaux revetus de leur
echarpe, je vois trois hommes tranquillement assis devant une table, les
registres d'ecrous ouverts et sous les yeux, faisant l'appel des
prisonniers; d'autres hommes les interrogeant; d'autres hommes faisant
fonctions de jures et de juges, une douzaine de bourreaux, les bras nus
couverts de sang, les uns avec des massues, les autres avec des sabres et
des coutelas qui en degouttaient, executant a l'instant les jugemens; des
citoyens attendant au dehors ces jugemens avec impatience, gardant le plus
morne silence aux arrets de mort, jetant des cris de joie aux arrets
d'absolution.
Et les hommes qui jugeaient, et les hommes qui executaient avaient la meme
securite que si la loi les eut appeles a remplir ces fonctions! Ils me
vantaient leur justice, leur attention a distinguer les innocens des
coupables, les services qu'ils avaient rendus; ils demandaient,
pourrait-on le croire! ils demandaient a etre payes du temps qu'ils
avaient passe!... J'etais reellement confondu de les entendre!
"Je leur parlai le langage austere de la loi; je leur parlai avec le
sentiment de l'indignation profonde dont j'etais penetre: je les fis
sortir tous devant moi. J'etais a peine sorti moi-meme qu'ils y
rentrerent: je fus de nouveau sur les lieux pour les en chasser; la nuit
ils acheverent leur horrible boucherie.
"Ces assassinats fu
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