le fut la quand
il rentrait, il etait content.
Bien des femmes, a l'age de Mme Favoral, auraient etrangement use de
cette indifference injurieuse, et de cette absolue liberte.
Si elle en profita, ce fut uniquement pour obeir a une de ces
inspirations qui ne peuvent naitre qu'au coeur d'une mere.
L'augmentation du budget du menage etait relativement considerable,
mais si exactement calculee, qu'elle n'en etait pas maitresse d'un
centime de plus. C'est avec un veritable desespoir qu'elle songeait
que ses enfants auraient a endurer les humiliantes privations qui
avaient desole son existence. Ils etaient trop jeunes encore pour
souffrir de la parcimonie paternelle, mais ils grandiraient, leurs
desirs s'eveilleraient et elle serait dans l'impossibilite de leur
accorder les plus innocentes satisfactions.
A force de tourner et de retourner dans son esprit cette idee
desolante, elle se souvint d'une amie de sa mere, qui avait rue
Saint-Denis un important etablissement de lainage et de mercerie. La
etait peut-etre la solution du probleme. Elle se rendit chez cette
digne femme, et sans meme avoir besoin de lui confesser toute la
verite, elle en obtint divers petits travaux, mal retribues, comme de
juste, mais qui, moyennant une severe application, pouvaient rapporter
de huit a douze francs par semaine.
Des lors, elle ne perdit plus une minute, se cachant de son travail
comme d'une mauvaise action.
Elle connaissait assez son mari pour etre certaine qu'il
s'indignerait, et il lui semblait l'entendre s'ecrier qu'il depensait
cependant assez pour que sa femme n'en fut pas reduite au metier
d'ouvriere.
Mais aussi, quelle joie, le jour ou elle cacha tout au fond d'un
tiroir la premiere piece de vingt francs gagnee par elle, une belle
piece d'or qui lui appartenait sans conteste, qu'on ne lui connaissait
pas, et qu'elle pouvait depenser a sa guise sans avoir a en rendre
compte.
Et avec quel orgueil, de semaine en semaine, elle vit son petit tresor
grossir, malgre les emprunts qu'elle lui faisait, tantot pour donner a
Maxence un jouet dont il avait envie, tantot pour ajouter un ruban a
la toilette de Gilberte.
Ce fut le temps le plus heureux de sa vie, une halte le long de cette
voie douloureuse ou elle se trainait depuis tant d'annees. Les heures,
entre ses deux enfants, s'envolaient legeres et rapides comme des
secondes. Si toutes les esperances de la jeune fille et de la femme
avaient ete fletries avant d'eclore,
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