attribuer la prosperite du
pays. Personne ne le conteste. Personne ne peut refuser son
admiration a l'oeuvre accomplie, en moins de trente ans, par les
Anglais, avec, en fait de force materielle, une armee d'occupation
de 3,000 hommes.
Ils ne sont pas aimes cependant. On pretend que c'est leur faute. On
dit qu'ils n'ont pas su se faire aimer et qu'ils ne se sont jamais
soucies de l'etre. Pourvu que l'indigene obeisse aux reglements,
acquitte l'impot, se resigne au service militaire, le reste ne leur
importe guere. Meme les gens qui rendent hommage a leurs qualites et
a leur oeuvre d'assainissement s'elevent avec amertume contre leur
indifference et leur durete. Des hommes distingues, intelligents et
calmes ont tenu devant moi ces propos-ci: "L'occupation anglaise,
nous le savons bien, est un mal necessaire; sans l'occupation
europeenne, l'Egypte retomberait dans l'anarchie, peut-etre dans la
barbarie. Entre toutes les occupations possibles, c'est encore
l'anglaise que nous preferons; l'allemande serait plus tracassiere,
plus ostentatoire, plus insolente; elle ferait sonner ses eperons;
et quand nous voyons l'impuissance, en matiere coloniale, de la
legerete francaise, nous ne regrettons pas que la France se soit
retiree d'ici. Nous commencons neanmoins a trouver les Anglais
insupportables: leur morgue, qui semble augmenter tous les jours,
nous rend leur joug odieux; cette race a le despotisme hautain. Ce
qu'ils pourraient obtenir par la douceur, rien qu'en le demandant,
ils l'exigent brutalement; ils ordonnent pour le plaisir d'etre
imperatifs, toujours, partout, dans tous les domaines; il ne leur
suffit pas d'etre les maitres, il faut qu'ils nous fassent sentir
qu'ils le sont; nous les detestons principalement pour cela ..."
Bref, la main de fer sans le gant de velours.
Ce sentiment est commun a la plupart des Egyptiens qui constituent,
de par leur naissance, leur fortune, leur intelligence et leur
culture, l'elite du pays. Mais ce n'est, jusqu'a present du moins,
qu'un sentiment. Ce qu'on appelle en Europe le "mouvement
nationaliste egyptien" n'est qu'une agitation de surface,
desordonnee et vaine. J'ai rencontre des hommes qui croient
fermement a l'emancipation de leur pays et qui travaillent en
silence a en hater l'avenement. Ces aspirations et cette foi ne sont
pourtant rien autre chose qu'un ferment, dont le sort et l'action
sont incertains et precaires. On chercherait vainement l'ombre d'un
programme pre
|