ette enormite musicale. Quant au
frisson sacre qui vous saisit, a Rome, pres du tombeau d'une
antiquite si maternelle, si proche de nous, et dont les plus
indifferents ont encore la saveur sur les levres, ne demandez rien
de pareil a l'Egypte. Du moins n'ai-je rien eprouve de semblable,
la-bas, a cette emotion. Des amis m'ont querelle a ce propos. L'un
d'eux m'a gourmande: "Vous ne comprenez pas, vous ne connaissez pas
l'architecture egyptienne; vous n'etiez pas prepare a la comprendre,
tandis que votre education, a la fois humaniste et catholique, vous
dispose a admirer le gothique et le grec." Il y aurait a repondre.
Mais ce n'est pas le moment de disputer sur l'absolu et le relatif
dans l'Art. Quoi qu'il en soit, les ruines de l'ancienne Egypte
interessent; elles n'emeuvent pas, du moins par la beaute et
l'harmonie des lignes. Elles constituent un incomparable musee, mais
nous n'y retrouvons pas, comme dans les ruines romaines, un berceau
de famille. Elles nous depassent, elles nous excedent, elles sont
trop lointaines et trop peu a notre mesure. Voila mon impression,
que je donne en toute sincerite.
Faites attention que ce n'est pas un jugement, pas meme une opinion.
Juger l'architecture egyptienne sur le squelette d'une demi-douzaine
de temples, remanies, transformes, defigures sans doute, et plus
d'une fois, au cours de vingt ou trente siecles, par la fantaisie
des architectes, les exigences de l'opinion ou le caprice des rois:
quelle folie! Imaginez qu'on veuille juger l'architecture gothique,
dans mille ou deux mille ans, sur les ruines confondues de notre
Palais de la Nation, de Sainte-Gudule, et du Palais de Justice!
Il y a une vingtaine d'annees, on soupconnait a peine la sculpture
egyptienne, la vraie, celle de la belle epoque, celle des premieres
dynasties, dont les oeuvres, au point de vue de l'expression, du
sens du pittoresque et de la vie, peuvent soutenir la comparaison
avec les oeuvres les plus vivantes de nos XIIIe, XIVe et XVe
siecles. Mais depuis lors, grace surtout aux fouilles de Karnak,
quelle revelation!
Au Musee du Caire, ou l'on compte plus de cinquante mille
"documents" concernant l'art egyptien, il faut commencer la
promenade par la grande salle du rez-de-chaussee. On trouve tout de
suite Kephren, Ranofir, et le Maire de village, qui datent, je
crois, de la Ve dynastie. On leur donne tout le temps qu'on peut, et
on revient les contempler, un instant encore, au moment de partir. A
ce
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