clair de lune! Un globe d'or pali brulait dans une mer de
vieil argent. Caresses de doux rayons, les minarets et les coupoles
projetaient des ombres demesurees sur la blancheur du sable. Les
ombres sont moins noires et la clarte moins blanche dans nos plus
belles nuits. Pas un bruit. Nous frissonnions d'emotion et de
plaisir.
Un autre jour, nous avons vu, du haut de la citadelle, le soleil se
coucher derriere les Pyramides. La nuit tombait. A nos pieds, la
ville immense, enveloppee d'ombre, trouait les tenebres naissantes.
Devant nous, aux confins de l'horizon, la masse doree de la Grande
Pyramide semblait flotter dans une buee violette; le Nil charriait
un paquet d'or en fusion.
Tels sont les spectacles du Caire. Je les aurais donnes tous, a la
fin, vers le quatorzieme jour, pour voir, rien qu'un moment, un seul
des spectacles familiers de chez nous: les nuages de notre ciel, les
jeux du soleil d'ete dans nos hetres et nos chenes, le cuivre et les
opales de notre automne. Aujourd'hui, je les evoque et je les
regrette. Un savant professeur a beau crier que le cholera accourt
vers l'Europe et qu'il atteindra le Caire l'annee prochaine. L'annee
prochaine, si je peux aller revoir l'azur laiteux de ce ciel, les
vagues roses du desert, la grace des mosquees et les voiles blanches
qui courent sur le Nil, bombees par le vent du soir, comme autant de
grands oiseaux, ce n'est pas sa prediction qui m'arretera.
THEBES
Du Caire a Louqsor, bourgade de sept mille habitants, dont les
maisons carrees s'elevent sur la rive droite du Nil, pres des ruines
de Thebes, on compte, a vol d'oiseau, environ six cent cinquante
kilometres: a peu pres la distance de Paris a Marseille. Les
touristes qui ont le temps remontent le Nil en bateau. C'est tres
amusant. Mais il faut sept ou huit jours. Nous avons pris le train.
On va plus vite et c'est moins cher. Quatorze heures d'express.
Juste le temps de diner et de bavarder en fumant un cigare, puis de
dormir une bonne nuit. Les couchettes des wagons-lits sont tout a
fait confortables. On se leve au petit jour, quand l'aurore tire
doucement les rideaux devant le soleil. On voit s'eveiller, le long
de la voie ferree, les villages indigenes. Les champs s'animent, le
soleil monte; les collines qui courent, a droite et a gauche, au
seuil des deux deserts, se teintent d'une jolie couleur rose, et les
scenes bibliques du Delta reparaissent devant nos yeux. Huit heures
et demie: on arrive
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