et du
coeur: l'idee que nous nous faisons de ces grandes choses trouve son
cerveau refractaire. La chastete, la domination de l'instinct dans
un but superieur, evidente racine de la fleur de notre civilisation:
ces mots n'ont pas de sens pour lui. Les musulmans, a ce point de
vue, sont des brutes: il n'y a pas d'autre mot. De leur decrepitude
precoce et des maladies qui les rongent, on ne pourrait rien dire
sans froisser le lecteur. Je doute donc que Mme Homais ratifie le
jugement de son epoux sur la polygamie. Et je prie M. Homais de me
dire ce que la religion de Mahomet a invente ou prescrit pour
refrener la sensualite orientale. Il y avait une civilisation arabe
avant Mahomet, une civilisation chretienne: un savant orientaliste
belge, le Pere Lammens, que j'ai eu le plaisir de voir au Caire,
mettra prochainement en lumiere, dans un ouvrage qu'il acheve en ce
moment, ce fait generalement ignore. Mahomet et ses successeurs la
detruisirent par la force. Leur religion sensuelle, a elle seule,
n'en serait pas venue a bout. Malgre la complicite de la luxure, il
leur fallut du temps. Son magnifique crepuscule dura plus de trois
siecles. On a pris longtemps pour l'eclat de l'Islam a son aurore,
les dernieres lueurs de l'Arabie chretienne.
Quant au fatalisme, source de l'immobilite de ce peuple, emprisonne
dans les prejuges les plus stupides, je me bornerai, par crainte
d'allonger indefiniment ce chapitre, a citer un seul fait. Tout le
monde connait, de nom tout au moins, la celebre mosquee d'El-Azhar,
derniere universite musulmane et cerveau de l'Islam. Pour cinquante
centimes, ou a peu pres, le premier venu peut la visiter a l'aise,
comme d'ailleurs toutes les mosquees du Caire. Si je ne me trompe,
les portiers d'hotels delivrent des tickets d'entree. Sur le seuil,
deux Arabes,--le concierge et le sacristain?--vous chaussent les
babouches obligatoires. Pour attacher les cordons, ils
s'agenouillent devant "l'infidele". Si cette genuflexion les fait
souffrir, ils n'en laissent rien paraitre. Et ils acceptent
gracieusement le pourboire ... On arrive a El-Azhar par des ruelles
pleines d'ombre. Tout a coup, le seuil franchi, la grande cour
inondee de chaude lumiere deploie dans le cadre elegant de ses
arcades le spectacle d'un peuple d'etudiants vetus de couleurs
vives. La plupart, assis sur les talons, un livre sur les genoux,
marmottent le texte d'une lecon, le corps agite par un balancement
continuel. D'autres dorment sous
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