Oh! dis, c'est bien en nous que se feconde
Le plus joyeux et clair jardin du monde.
Ce chapiteau barbare, ou des monstres se tordent,
Soudes entre eux, a coups de griffes et de dents,
En un tumulte fou de sang, de cris ardents,
De blessures et de gueules qui s'entre-mordent,
C'etait moi-meme, avant que tu fusses la mienne,
O toi la neuve, o toi l'ancienne!
Qui vins a moi des loins d'eternite,
Avec, entre tes mains, l'ardeur et la bonte.
Je sens en toi les memes choses tres profondes
Qu'en moi-meme dormir
Et notre soif de souvenir
Boire l'echo, ou nos passes se correspondent.
Nos yeux ont du pleurer aux memes heures,
Sans le savoir, pendant l'enfance:
Avoir memes effrois, memes bonheurs,
Memes eclairs de confiance:
Car je te suis lie par l'inconnu
Qui me fixait, jadis au fond des avenues
Par ou passait ma vie aventuriere,
Et, certes, si j'avais regarde mieux,
J'aurais pu voir s'ouvrir tes yeux
Depuis longtemps en ses paupieres.
Le ciel en nuit s'est deplie
Et la lune semble veiller
Sur le silence endormi.
Tout est si pur et clair,
Tout est si pur et si pale dans l'air
Et sur les lacs du paysage ami,
Qu'elle angoisse, la goutte d'eau
Qui tombe d'un roseau
Et tinte et puis se tait dans l'eau.
Mais j'ai tes mains entre les miennes
Et tes yeux surs, qui me retiennent,
De leurs ferveurs, si doucement;
Et je te sens si bien en paix de toute chose,
Que rien, pas meme un fugitif soupcon de crainte,
Ne troublera, fut-ce un moment,
La confiance sainte
Qui dort en nous comme un enfant repose.
Chaque heure, ou je pense a ta bonte
Si simplement profonde,
Je me confonds en prieres vers toi.
Je suis venu si tard
Vers la douceur de ton regard
Et de si loin, vers tes deux mains tendues,
Tranquillement, par a travers les etendues!
J'avais en moi tant de rouille tenace
Qui me rongeait, a dents rapaces,
La confiance;
J'etais si lourd, j'etais si las,
J'etais si vieux de mefiance,
J'etais si lourd, j'etais si las
Du vain chemin de tous mes pas.
Je meritais si peu la merveilleuse joie
De voir tes pieds illuminer ma voie,
Que j'en reste tremblant encore et presqu'en pleurs,
Et humble, a tout jamais, en face du bonheur.
Tu arbores parfois cette grace benigne
Du matinal jardin tranquille et sinueux
Qui deroule, la-bas, parmi les lointains bleus,
Ses doux chemins courbes en cols de cygne.
Et, d'autres fois, tu m'es le frisson clair
Du vent rapide et miroitant
Qui passe, avec ses doigts d'e
|