instants seulement, quand mon compagnon s'arreta... J'avais devant moi,
qui?... la petite mendiante!
Sa main glacee est tendue, et ses yeux humides m'implorent. La vieille
pleure aussi, les yeux toujours fermes. Elle est bien lasse et s'appuie
pesamment sur l'epaule fatiguee de l'enfant.
Pauvre petite, je pouvais enfin contempler ce doux regard si triste qui
m'avait tant emue!
Je la caressais affectueusement en essuyant ses larmes et en l'appelant
soeur cherie.
Je voyais de pres aussi le vieux haillon noue sous son menton, et qui
cachait si imparfaitement ses oreilles que souffletait la bise glacee.
Je l'avais enleve pour mettre mon bonnet tres a la mode sur sa jolie
tete, mais elle, l'otant aussitot, me le rendit avec un sourire navre:
--J'ai bien froid, dit-elle, mais nous avons tellement faim, grand'maman
et moi!... et son regard, sa main ouverte nie suppliait encore...
--Un sou, un pauvre sou, s'il vous plait! murmura sa compagne en
gemissant.
Que faire!... Je regardai la douce figure; elle souriait toujours, mais
restait muette.
Une idee me vint tout a coup a l'esprit.
--Pourquoi prodigue-t-on sans remords tant de sous blancs pour les
coiffures de certaines petites filles, tandis qu'il en est qui n'en ont
meme pas pour acheter un morceau de pain lorsqu'elles se sentent mourir
d'inanition!
Cela me parut absurde, et je resolus d'aller tout de suite rendre
son mechant bonnet a la demoiselle, afin de rapporter les sous a la
pauvrette.
Apres avoir couru longtemps, cherchant en vain le magasin aux bonnets,
je m'arretai, desolee, haletante, a bout de forces; puis, a la pensee
de celles qui m'attendaient la-bas, le coeur palpitant d'esperance, je
repris ma course sterile....
Le matin, a mon reveil, petit frere gazouillait dans son berceau, non
loin de moi, et je voyais les vitres, toutes rouges et d'or, etinceler a
travers le rideau de mon lit.
En ouvrant bien les yeux, je decouvris a mes pieds une ravissante
poupee!... Le plus joli bebe, avec une masse de cheveux bruns, frises
comme une toison!
Folle de joie, je me mis a courir pour montrer dans toute la maison le
cadeau du Petit Jesus.
J'embrassais tout le monde; je bercais mon joli bebe en chantant; je
caressais ses boucles soyeuses en lui contant toutes sortes de choses.
Ah! j'etais bien heureuse!
En regardant les yeux bleus de Mimie (ma poupee avait ete baptisee tout
de suite, naturellement), certain souvenir qui me revint me
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