dans les
moments les plus pathetiques, et la mere de famille s'apercut tout de
suite que la bonne harmonie ne regnait pas entre Nono et Stella.
V
"Mon pere! s'ecria Stella d'un ton tragique.
--Chuc! chuc! chuc!" repondit le pere, non pas a Stella, mais a Nino,
qui accaparait toute son attention. Il faisait chuc! chuc! chuc! pour
l'exciter a rire.
"Mere! dit Stella d'un ton non moins tragique.
--Qu'as-tu, ma mignonne? lui demanda sa mere.
--Il faut gronder Nono, repondit Stella.
--Gronder Nono! s'ecria le pere, qui avait entendu les derniers mots.
Gronder Nono! et pourquoi donc?
--Il a fait une chose defendue! repliqua Stella avec un serieux tout a
fait bouffon.
--Il a fait une chose defendue! reprit le pere en se debattant de son
mieux contre Nino, qui cherchait a lui fourrer son petit poing dans la
bouche.
--Oui, pere, une chose defendue. Au lieu de cueillir des grappes, il a
casse la branche tout entiere. Vois plutot!"
Nono, tout penaud, tenait dans le pan de sa chemisette relevee deux
grosses grappes et la branche tout entiere, qui trainait derriere lui.
"Il sait bien, reprit Stella, qu'il y a dans la branche des grappes pour
l'annee prochaine; on ne les voit pas, mais elles y sont; maman me l'a
dit le jour ou j'avais casse une branche.
--La belle affaire! s'ecria le pere de famille en haussant les epaules;
je ne veux pas qu'on se querelle un jour comme celui-ci. Venez tous les
deux embrasser votre petit frere; apres cela allez-vous-en jouer, et ne
nous ennuyez plus de vos querelles."
VI
Les deux enfants embrasserent leur petit frere, et s'en allerent jouer
chacun de son cote, emportant dans leurs petites cervelles chacun une
idee fausse.
Nono etait persuade que desormais, avec l'approbation paternelle, il
pouvait traiter la vigne comme bon lui semblerait.
Quant a Stella, elle se dit que la justice etait un vain mot, puisque
l'on permettait a Nono ce qu'on lui avait formellement interdit a
elle-meme.
Ces idees auraient fermente dans les deux petites tetes comme le vin
nouveau dans la cuve, si la mere de famille, avant la fin du jour, ne
s'etait arrangee pour prendre chacun de ses enfants en particulier, et
pour leur faire voir la verite.
Stella, adroitement interrogee, dut convenir que le pauvre Nono n'avait
peche ni par malice ni par desobeissance, puisqu'il avait casse la
branche sans qu'on lui eut defendu de la casser ni explique pourquoi il
ne fallait pas la cass
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