garder
a la fortune de l'homme qu'elle voudrait epouser.
Parmi les nombreux pretendants qui s'etaient presentes, Giovanna avait
distingue le jeune comte Ezzelino, de la famille des princes de Padoue,
dont le noble caractere et la bonne renommee soutenaient dignement
l'illustre nom. Toute jeune et tout inexperimentee qu'elle fut, elle avait
bien vite reconnu qu'il n'etait pas pousse vers elle, comme tous les
autres, par des raisons d'orgueil ou d'interet, mais bien par une tendre
sympathie et un amour sincere. Aussi l'en avait-elle deja recompense par
le don de son estime et de son amitie. Elle donnait meme deja le nom
d'amour a ce qu'elle eprouvait pour lui, et le comte Ezzelino se flattait
d'avoir allume une passion semblable a celle qu'il nourrissait. Deja
Morosini avait donne son consentement a ce noble hymenee; deja les
joailliers et les fabricants d'etoffes preparaient leurs plus precieuses
et leurs plus rares marchandises pour la toilette de la mariee; deja tout
le quartier aristocratique _del Castello_ s'appretait a passer plusieurs
semaines dans les fetes. De toutes parts on ornait les gondoles, on
renouvelait les toilettes, et c'etait a qui se chercherait un degre de
parente avec l'heureux fiance qui allait posseder la plus belle femme et
ouvrir la maison la plus brillante de Venise. Le jour etait fixe, les
invitations etaient faites; il n'etait bruit que de l'illustre mariage.
Tout d'un coup une nouvelle etrange circula. Le comte Ezzelin avait
suspendu tous les preparatifs; il avait quitte Venise. Les uns le disaient
assassine; d'autres pretendaient que, sur un ordre du conseil des dix, il
venait d'etre envoye en exil. Pourquoi donnait-on a son absence des motifs
sinistres? Le bruit et l'agitation regnaient toujours au palais Morosini;
on continuait les apprets de la noce, et aucune invitation n'etait
retiree. La belle Giovanna etait partie pour la campagne avec son oncle;
mais au jour fixe pour la celebration de son mariage, elle devait revenir.
Le general ecrivait ainsi a ses amis, et les engageait a se rejouir du
bonheur de sa famille.
D'un autre cote, des gens dignes de foi avaient recemment rencontre le
comte Ezzelin aux environs de Padoue, se livrant au plaisir de la chasse
avec une ardeur singuliere, et ne paraissant nullement presse de retourner
a Venise. Une derniere version donnait a croire qu'il s'etait retire dans
sa villa, et qu'enferme seul et desole il passait les nuits dans les
larmes.
Qu
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