nua Henri, prenez cette affaire en
main, regnez en Navarre; et pourvu que vous me conserviez une
place a votre table et une belle foret pour chasser, je
m'estimerai heureux.
-- Regner en Navarre! dit le duc; mais si...
-- Si le duc d'Anjou est nomme roi de Pologne, n'est-ce pas?
J'acheve votre pensee. Francois regarda Henri avec une certaine
terreur.
-- Eh bien, ecoutez, Francois! continua Henri; puisque rien ne
vous echappe, c'est justement dans cette hypothese que je
raisonne: si le duc d'Anjou est nomme roi de Pologne, et que notre
frere Charles, que Dieu conserve! vienne a mourir, il n'y a que
deux cents lieues de Pau a Paris, tandis qu'il y en a quatre cents
de Paris a Cracovie; vous serez donc ici pour recueillir
l'heritage juste au moment ou le roi de Pologne apprendra qu'il
est vacant. Alors, si vous etes content de moi, Francois, vous me
donnerez ce royaume de Navarre, qui ne sera plus qu'un des
fleurons de votre couronne; de cette facon, j'accepte. Le pis qui
puisse vous arriver, c'est de rester roi la-bas et de faire souche
de rois en vivant en famille avec moi et ma famille, tandis
qu'ici, qu'etes-vous? un pauvre prince persecute, un pauvre
troisieme fils de roi, esclave de deux aines et qu'un caprice peut
envoyer a la Bastille.
-- Oui, oui, dit Francois, je sens bien cela, si bien que je ne
comprends pas que vous renonciez a ce plan que vous me proposez.
Rien ne bat donc la?
Et le duc d'Alencon posa la main sur le coeur de son frere.
-- Il y a, dit Henri en souriant, des fardeaux trop lourds pour
certaines mains; je n'essaierai pas de soulever celui-la; la
crainte de la fatigue me fait passer l'envie de la possession.
-- Ainsi, Henri, veritablement vous renoncez?
-- Je l'ai dit a de Mouy et je vous le repete.
-- Mais en pareille circonstance, cher frere, dit d'Alencon, on ne
dit pas, on prouve.
Henri respira comme un lutteur qui sent plier les reins de son
adversaire.
-- Je le prouverai, dit-il, ce soir: a neuf heures la liste des
chefs et le plan de l'entreprise seront chez vous. J'ai meme deja
remis mon acte de renonciation a de Mouy.
Francois prit la main de Henri et la serra avec effusion entre les
siennes.
Au meme instant Catherine entra chez le duc d'Alencon, et cela,
selon son habitude, sans se faire annoncer.
-- Ensemble! dit-elle en souriant; deux bons freres, en verite!
-- Je l'espere, madame, dit Henri avec le plus grand sang-froid,
tandis que le duc d'Alenco
|