fond
de peaulx: & l'este vont nudz piedz. Ilz gardent l'ordre de mariage,
fors qu'ilz prennent deux ou trois femmes, & depuis que leur mary est
mort jamais ne se remarient, ains font le dueil de la dicte mort toute
leur vie, & se taignent le visaige de charbon pelle, & de gresse espez
comme l'espesseur du doz d'ung cousteau, & a cela congnoist on que elles
sont veuves.
Ilz ont une aultre coustume fort mauvaise de leurs filles, car depuis
qu'elles sont d'aage d'aller a l'homme, elles sont toutes mises en une
maison de bordeau, habandonnees a tout le monde qui en veult, jusques
a ce que elles ayent trouve leur party. Et tout ce avons veu par
experience, car nous avons veu les maisons plaines des dictes filles,
comme est une eschole de garsons en France. Et d'avantaige le hazard
selon leur mode tient esdictes maisons ou ilz jouent tout ce qu'ilz ont
jusques a la couverture de leur nature. [Page 31]
Ilz ne font point de grand travail, & labourent leur terre avec petis
boys, comme de la grandeur d'une demye espee, ou ilz font leur bled,
qu'ilz appellent Osizy. Lequel est gros comme poix, & de ce mesme en
croist assez au bresil. Pareillement ilz on grand quantite de gros
melons, concombres, & courges, poix, & febves, & de toutes couleurs, non
de la sorte des nostres. Ilz ont aussi une herbe de quoy ilz font grand
amastz l'este durand pour l'yver. Laquelle ilz estiment fort & en usent
les homes seulement en facon que ensuit. Ilz la font seicher au soleil,
& la portent a leur col en une petite peau de beste en lieu de sac, avec
ung cornet de pierre ou de boys: puis a toute heure font pouldre de
ladicte herbe, & la mettent en l'ung des boutz dudict cornet, puis
mettent un charbon de feu dessus, & sussent par l'autre bout, tant
qu'ilz s'emplent le corps de fumee, tellement qu'elle leur sort par la
bouche, & par les nazilles, comme par ung tuyau et chauldement, & ne
vont jamais sans avoir lesdictes choses. Nous avons esprouve ladicte
fumee, apres laquelle avoir mis dedans nostre bouche, semble y avoir
mis de la pouldre de poyvre tant est chaulde. Les femmes dudict pays
travaillent sans comparaison plus que les hommes, tant a la pescherie de
quoy font grand faict, qu'au labeur & aultres choses Et sont tant hommes
femmes qu'enfans plus durs que bestes au froid. Car de la plus grand
froidure que ayons veu, laquelle estoit merveilleuse & aspre venoient
par dessus les glaces & neiges tous les jours a noz navires, la pluspart
d'eulx
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