urieuse a sa memoire. Cela parait interesser ma cousine,
ajouta-t-il en voyant que je l'ecoutais avec de grands yeux, tout
etonnee que j'etais de le voir se lancer dans une discussion si
contraire a ses idees philosophiques et a ses habitudes de silence.
Sachez donc, Amelie, que notre arriere-grand-pere Wratislaw n'avait pas
plus de quatre ans lorsque sa mere Ulrique de Rudolstadt crut devoir lui
infliger la fletrissure de quitter son veritable nom, le nom de ses
peres, qui etait Podiebrad, pour lui donner ce nom saxon que vous et moi
portons aujourd'hui, vous sans en rougir, et moi sans m'en glorifier.
"--Il est au moins inutile, dit mon oncle Christian, qui paraissait fort
mal a l'aise, de rappeler des choses si eloignees du temps ou nous
vivons.
"--II me semble, reprit Albert, que ma tante a remonte bien plus haut
dans le passe en nous racontant les hauts faits des Rudolstadt, et je ne
sais pas pourquoi l'un de nous, venant par hasard a se rappeler qu'il
est Boheme, et non pas Saxon d'origine, qu'il s'appelle Podiebrad, et
non pas Rudolstadt, ferait une chose de mauvais gout en parlant
d'evenements qui n'ont guere plus de cent vingt ans de date.
"--Je savais bien, observa l'abbe qui avait ecoute Albert avec un
certain interet, que votre illustre famille etait alliee, dans le passe,
a la royaute nationale de George Podiebrad; mais j'ignorais qu'elle en
descendit par une ligne assez directe pour en porter le nom.
"--C'est que ma tante, qui sait dessiner des arbres genealogiques, a
juge a propos d'abattre dans sa memoire l'arbre antique et venerable
dont la souche nous a produits. Mais un arbre genealogique sur lequel
notre histoire glorieuse et sombre a ete tracee en caracteres de sang,
est encore debout sur la montagne voisine."
"Comme Albert s'animait beaucoup en parlant ainsi, et que le visage de
mon oncle paraissait s'assombrir, l'abbe essaya de detourner la
conversation, bien que sa curiosite fut fort excitee. Mais la mienne ne
me permit pas de rester en si beau chemin.
"--Que voulez-vous dire, Albert? m'ecriai-je en me rapprochant de lui.
"--Je veux dire ce qu'une Podiebrad ne devrait pas ignorer, repondit-il.
C'est que le vieux chene de la _pierre d'epouvante_, que vous voyez tous
les jours de votre fenetre, Amelie, et sous lequel je vous engage a ne
jamais vous asseoir sans elever votre ame a Dieu, a porte, il y a trois
cents ans, des fruits un peu plus lourds que les glands desseches qu'il
a pein
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