ucherie aupres des femmes. "II
est certain, disait ma tante, que, dans ma jeunesse, un pretendant aussi
serieux qu'Albert m'eut fait plus de peur que d'envie, et que je n'eusse
pas echange ma bosse contre sa conversation."
"--II faut donc, lui dit mon oncle, revenir a notre pis-aller, et lui
faire epouser Amelie. Il l'a connue enfant, il la considere comme sa
soeur, il sera moins timide aupres d'elle; et comme elle est d'un
caractere enjoue et decide, elle corrigera, par sa bonne humeur,
l'humeur noire dans laquelle il semble retomber de plus en plus.
"Albert ne repoussa pas ce projet, et sans se prononcer ouvertement,
consentit a me voir et a me connaitre. Il fut convenu que je ne serais
avertie de rien, afin de me sauver la mortification d'un refus toujours
possible de sa part. On ecrivit a mon pere; et des qu'on eut son
assentiment, on commenca les demarches pour obtenir du pape les
dispenses necessaires a cause de notre parente. En meme temps mon pere
me retira du couvent, et un beau matin nous arrivames au chateau des
Geants, moi fort contente de respirer le grand air, et fort impatiente
de voir mon fiance; mon bon pere plein d'esperance, et s'imaginant
m'avoir bien cache un projet qu'a son insu il m'avait, chemin faisant,
revele a chaque mot.
"La premiere chose qui me frappa chez Albert, ce fut sa belle figure et
son air digne. Je vous avouerai, ma chere Nina, que mon coeur battit
bien fort lorsqu'il me baisa la main, et que pendant quelques jours je
fus sous le charme de son regard et de ses moindres paroles. Ses
manieres serieuses ne me deplaisaient pas; il ne semblait pas contraint
le moins du monde aupres de moi. Il me tutoyait comme aux jours de notre
enfance, et lorsqu'il voulait se reprendre, dans la crainte de manquer
aux convenances, nos parents l'autorisaient et le priaient, en quelque
sorte, de conserver avec moi son ancienne familiarite. Ma gaiete le
faisait quelquefois sourire sans effort, et ma bonne tante, transportee
de joie, m'attribuait l'honneur de cette guerison qu'elle croyait devoir
etre radicale. Enfin il me traitait avec la bienveillance et la douceur
qu'on a pour un enfant; et je m'en contentais, persuadee que bientot il
ferait plus d'attention a ma petite mine eveillee et aux jolies
toilettes que je prodiguais pour lui plaire.
"Mais j'eus bientot la mortification de voir qu'il se souciait fort peu
de l'une, et qu'il ne voyait pas seulement les autres. Un jour, ma bonne
tante voulu
|