e constitution; mais, comme il le dit lui-meme, le
mal est dans son ame, et ce mal a ete toujours en augmentant. Des sa
premiere enfance, il eut l'esprit frappe d'idees bizarres et
superstitieuses. A l'age de quatre ans, il pretendait voir souvent sa
mere aupres de son berceau, bien qu'elle fut morte et qu'il l'eut vu
ensevelir. La nuit il s'eveillait pour lui repondre; et ma tante
Wenceslawa en fut parfois si effrayee, qu'elle faisait toujours coucher
plusieurs femmes dans sa chambre aupres de l'enfant, tandis que le
chapelain usait je ne sais combien d'eau benite pour exorciser le
fantome, et disait des messes par douzaines pour l'obliger a se tenir
tranquille. Mais rien n'y fit; car l'enfant n'ayant plus parle de ces
apparitions pendant bien longtemps, il avoua pourtant un jour en
confidence a sa nourrice qu'il voyait toujours _sa petite mere_, mais
qu'il ne voulait plus le raconter, parce que monsieur le chapelain
disait ensuite dans la chambre de mechantes paroles pour l'empecher de
revenir.
"C'etait un enfant sombre et taciturne. On s'efforcait de le distraire,
on l'accablait de jouets et de divertissements qui ne servirent pendant
longtemps qu'a l'attrister davantage. Enfin on prit le parti de ne pas
contrarier le gout qu'il montrait pour l'etude, et en effet, cette
passion satisfaite lui donna plus d'animation; mais cela ne fit que
changer sa melancolie calme et languissante en une exaltation bizarre,
melee d'acces de chagrin dont les causes etaient impossibles a prevoir
et a detourner. Par exemple, lorsqu'il voyait des pauvres, il fondait en
larmes, et se depouillait de toutes ses petites richesses, se reprochant
et s'affligeant toujours de ne pouvoir leur donner assez. S'il voyait
battre un enfant, ou rudoyer un paysan, il entrait dans de telles
indignations, qu'il tombait ou evanoui, ou en convulsion pour des heures
entieres. Tout cela annoncait un bon naturel et un grand coeur; mais les
meilleures qualites poussees a l'exces deviennent des defauts ou des
ridicules. La raison ne se developpait point dans le jeune Albert en
meme temps que le sentiment et l'imagination. L'etude de l'histoire le
passionnait sans l'eclairer. Il etait toujours, en apprenant les crimes
et les injustices des hommes, agite d'emotions par trop naives, comme ce
roi barbare qui, en ecoutant la lecture de la passion de Notre-Seigneur,
s'ecriait en brandissant sa lance: "Ah! si j'avais ete la avec mes
hommes d'armes, de telles choses ne
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