s les herbes de la campagne; deux cypres
voisins lancent dans le ciel bleu leurs cimes fraternelles et leur noir
feuillage; a leur ombre se pressent des pierres taillees comme des
pieux, les unes debout et piquees en terre, les autres tombees et
brisees; chacune marque un mort; c'est le cimetiere de Tirana, que la
route contourne; j'y apercois errants quelques Albanais et les hotes des
basses-cours voisines qui y picorent.
Un etrange monument y attire mon attention; sur le sol, de larges dalles
de pierre tracent sept cotes egaux; a chaque angle, une colonne est
elevee et l'ensemble supporte un portique a sept faces; la signification
en est obscure et sans doute le nombre sacre de sept joue-t-il son role
dans ce temple de la mort; car c'est la le tombeau de l'illustre famille
des Toptan; sous ces dalles enormes, les descendants des Toptan deposent
les restes des generations qui disparaissent, et ce monument funeraire
n'est pas sans grandeur ni sans effet decoratif.
Au detour d'une rue, nous sommes arretes par une foule d'enfants qui
entourent des hommes du pays et deux individus habilles d'etranges
defroques; tous ces petits Albanais sont vetus de meme, le polo de laine
blanche sur la tete, la culotte de toile blanche serree a la taille par
une ceinture de couleur, le buste moule dans un jersey que recouvre
souvent un gilet bariole, une petite veste ou un bolero brode; beaucoup
vont pieds nus, les plus grands chaussent des sandales souples en peau,
epaisse et solide.
Les deux individus qu'ils devisagent curieusement sont deux tziganes,
qui ont reussi a s'infiltrer jusqu'a Tirana; mais les Albanais n'aiment
pas beaucoup les etrangers vagabonds; aussi les gens d'ici mettent-ils
la main au collet des deux nomades et les expedient-ils hors de la
ville.
Nous suivons une sorte de promenade fort mal pavee, mais plantee de
beaux arbres ou une eau court si rapide que, malgre la chaleur, elle n'a
presque rien perdu de sa fraicheur et de sa transparence; la rue est
livree comme un sentier de village aux animaux des maisons voisines:
oies, canards et poules vont et viennent, picorent et gloussent,
s'effarent et s'enfuient, quand les petits chevaux du pays, qui en sont
les vrais moyens de communication, transportent par les rues leurs
charges de marchandises ou leurs voyageurs.
Voici une autre mosquee, petite et basse, autour de laquelle se presse
le marche; des chevaux apportent a pleine charge d'enormes pasteques; le
lon
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