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nt pour moi, le moment des illusions est passe. Que voulez-vous! En voyageant a travers de nombreux pays, j'ai reflechi sur la vie. D'enfant que j'etais au depart, je suis devenu homme au retour. Aujourd'hui, je pense a bien des choses auxquelles je ne songeais pas autrefois. Vous etes libre, ma cousine, et je suis libre encore; rien n'empeche, en apparence, la realisation de nos petits projets; mais j'ai trop de loyaute dans le caractere pour vous cacher la situation de mes affaires. Je n'ai point oublie que je ne m'appartiens pas; je me suis toujours souvenu dans mes longues traversees du petit banc de bois ... " Eugenie se leva comme si elle eut ete sur des charbons ardents, et alla s'asseoir sur une des marches de la cour. "... du petit banc de bois ou nous nous sommes jure de nous aimer toujours, du couloir, de la salle grise, de ma chambre en mansarde, et de la nuit ou vous m'avez rendu, par votre delicate obligeance, mon avenir plus facile. Oui, ces souvenirs ont soutenu mon courage, et je me suis dit que vous pensiez toujours a moi comme je pensais souvent a vous, a l'heure convenue entre nous. Avez-vous bien regarde les nuages a neuf heures? Oui, n'est-ce pas? Aussi, ne veux-je pas trahir une amitie sacree pour moi; non, je ne dois point vous tromper. Il s'agit, en ce moment, pour moi, d'une alliance qui satisfait a toutes les idees que je me suis formees sur le mariage. L'amour, dans le mariage, est une chimere. Aujourd'hui mon experience me dit qu'il faut obeir a toutes les lois sociales et reunir toutes les convenances voulues par le monde en se mariant. Or, deja se trouve entre nous une difference d'age qui, peut-etre, influerait plus sur votre avenir, ma chere cousine, que sur le mien. Je ne vous parlerai ni de vos moeurs, ni de votre education, ni de vos habitudes, qui ne sont nullement en rapport avec la vie de Paris, et ne cadreraient sans doute point avec mes projets ulterieurs. Il entre dans mes plans de tenir un grand etat de maison, de recevoir beaucoup de monde, et je crois me souvenir que vous aimez une vie douce et tranquille. Non, je serai plus franc, et veux vous faire arbitre de ma situation; il vous appartient de la connaitre, et vous avez le droit de la juger. Aujourd'hui je possede quatre-vingt mille livres de rentes. Cette fortune me permet de m'unir a la famille d'Aubrion, dont l'heritiere, jeune personne de dix-neuf ans, m'apporte en mariage son nom, un titre, la place de gentilhomme
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