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ensees, qui secourait incessamment les malheureux en secret. Madame de Bonfons fut veuve a trente-six ans, riche de huit cent mille livres de rente, encore belle, mais comme une femme est belle pres de quarante ans. Son visage est blanc, repose, calme. Sa voix est douce et recueillie, ses manieres sont simples. Elle a toutes les noblesses de la douleur, la saintete d'une personne qui n'a pas souille son ame au contact du monde, mais aussi la roideur de la vieille fille et les habitudes mesquines que donne l'existence etroite de la province. Malgre ses huit cent mille livres de rente, elle vit comme avait vecu la pauvre Eugenie Grandet, n'allume le feu de sa chambre qu'aux jours ou jadis son pere lui permettait d'allumer le foyer de la salle, et l'eteint conformement au programme en vigueur dans ses jeunes annees. Elle est toujours vetue comme l'etait sa mere. La maison de Saumur, maison sans soleil, sans chaleur, sans cesse ombragee, melancolique, est l'image de sa vie. Elle accumule soigneusement ses revenus, et peut-etre eut-elle semble parcimonieuse si elle ne dementait la medisance par un noble emploi de sa fortune. De pieuses et charitables fondations, un hospice pour la vieillesse et des ecoles chretiennes pour les enfants, une bibliotheque publique richement dotee, temoignent chaque annee contre l'avarice que lui reprochent certaines personnes. Les eglises de Saumur lui doivent quelques embellissements. Madame de Bonfons que, par raillerie, on appelle _mademoiselle_, inspire generalement un religieux respect. Ce noble coeur, qui ne battait que pour les sentiments les plus tendres, devait donc etre soumis aux calculs de l'interet humain. L'argent devait communiquer ses teintes froides a cette vie celeste, et lui donner de la defiance pour les sentiments. --Il n'y a que toi qui m'aimes, disait-elle a Nanon. La main de cette femme panse les plaies secretes de toutes les familles. Eugenie marche au ciel accompagnee d'un cortege de bienfaits. La grandeur de son ame amoindrit les petitesses de son education et les coutumes de sa vie premiere. Telle est l'histoire de cette femme, qui n'est pas du monde au milieu du monde; qui, faite pour etre magnifiquement epouse et mere, n'a ni mari, ni enfants, ni famille. Depuis quelques jours, il est question d'un nouveau mariage pour elle. Les gens de Saumur s'occupent d'elle et de monsieur le marquis de Froidfond dont la famille commence a cerner la riche veuve comme jadis av
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