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aines femmes vont arracher leur amant aux bras d'une rivale, la tuent et s'enfuient au bout du monde, sur l'echafaud ou dans la tombe. Cela, sans doute, est beau; le mobile de ce crime est une sublime passion qui impose a la Justice humaine. D'autres femmes baissent la tete et souffrent en silence; elles vont mourantes et resignees, pleurant et pardonnant, priant et se souvenant jusqu'au dernier soupir. Ceci est de l'amour, l'amour vrai, l'amour des anges, l'amour fier qui vit de sa douleur et qui en meurt. Ce fut le sentiment d'Eugenie apres avoir lu cette horrible lettre. Elle jeta ses regards au ciel, en pensant aux dernieres paroles de sa mere, qui, semblable a quelques mourants, avait projete sur l'avenir un coup d'oeil penetrant, lucide; puis, Eugenie se souvenant de cette mort et de cette vie prophetique, mesura d'un regard toute sa destinee. Elle n'avait plus qu'a deployer ses ailes, tendre au ciel, et vivre en prieres jusqu'au jour de sa delivrance. --Ma mere avait raison, dit-elle en pleurant. Souffrir et mourir. Elle vint a pas lents de son jardin dans la salle. Contre son habitude, elle ne passa point par le couloir; mais elle retrouva le souvenir de son cousin dans ce vieux salon gris, sur la cheminee duquel etait toujours une certaine soucoupe dont elle se servait tous les matins a son dejeuner, ainsi que du sucrier de vieux Sevres. Cette matinee devait etre solennelle et pleine d'evenements pour elle. Nanon lui annonca le cure de la paroisse. Ce cure, parent des Cruchot, etait dans les interets du president de Bonfons. Depuis quelques jours, le vieil abbe l'avait determine a parler a mademoiselle Grandet, dans un sens purement religieux, de l'obligation ou elle etait de contracter mariage. En voyant son pasteur, Eugenie crut qu'il venait chercher les mille francs qu'elle donnait mensuellement aux pauvres, et dit a Nanon de les aller chercher; mais le cure se prit a sourire. --Aujourd'hui, mademoiselle, je viens vous parler d'une pauvre fille a laquelle toute la ville de Saumur s'interesse, et qui, faute de charite pour elle-meme, ne vit pas chretiennement. --Mon Dieu! monsieur le cure, vous me trouvez dans un moment ou il m'est impossible de songer a mon prochain, je suis tout occupee de moi. Je suis bien malheureuse, je n'ai d'autre refuge que l'Eglise; elle a un sein assez large pour contenir toutes nos douleurs, et des sentiments assez feconds pour que nous puissions y puiser sans craindre de le
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