second etage ou mon attention fut attiree
par une joyeuse rumeur.
Il y avait reception chez ma voisine, la cantatrice, jeune etoile
d'operette, fort en vogue pour mille raisons, parmi lesquelles il serait
injuste de ne pas signaler sa verve ebouriffante dans le "parle" des
roles.
Ce devait etre amusant, la-dedans! Une sourde, une lache envie me prit
de franchir le seuil. Je tendis une main vers le cordon de sonnette, je
travaillais de l'autre main a caser le paquet de brioches dans une des
basques de mon habit, et je restai dans cette attitude assez de temps
pour avoir l'honneur de vaincre la tentation sans la fuir.
Rien, d'ailleurs, ne m'interdisait l'acces de ce nid parfume: le
gentleman-proprietaire m'avait naguere presente a la diva, non seulement
en qualite de voisin, mais sous le respectable titre de jeune homme
d'avenir.
Mais, des ma premiere visite, la toute belle exhiba tant de politesse
meurtriere a l'endroit des gloires en germe; elle s'excusa--si
cruellement pour moi--de meconnaitre tout ce qui n'est pas homme, femme
ou choses du jour!...
Certain matin, retour de bal, elle avait si peu dissimule, dans
l'escalier, le besoin de rire de mon raide individu descendant des
l'aurore pour une lecon de grec!...
Que devenir tout a l'heure si la jolie scelerate s'avisait de divertir
sa compagnie a mes depens?
Ce doute me fit tourner les talons; je m'esquivai, sans lambiner, cette
fois; aucun pretexte de retard ne se presentait desormais, car, a
l'etage au-dessus, je penetrais chez moi et bientot apres, chaudement
enfoui dans une robe de chambre, je contemplais d'un regard voluptueux
sur ma table le paquet de tabac, la pipe arabe, le lot de brioches et le
bol de the sur lesquels tombait la paisible lumiere de la lampe.
Je m'applaudis alors de ma sagesse, j'oubliai la feline cantatrice et je
m'egarai dans le sentiment de ma superiorite sur la foule des badauds
restes dans la rue.
Mais cette haute appreciation de moi-meme cadrait mal avec une trop
complete oisivete: je guignai dans la penombre, au-dessus du cercle
lumineux de l'abat-jour, une etagere ou reposaient fraternellement
inclinees l'une sur l'autre, les oeuvres choisies des plus grands
ecrivains et philosophes. J'allais etendre le bras, m'emparer d'un
volume et consacrer mon detachement du monde banal par quelques moments
d'entretien avec l'un de ces sublimes esprits, quand un scrupule me
troubla:
"Est-ce ainsi, me dis-je, que ces eminents
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